PORTRAIT DE CHEF
Sylvain SENDRA

Par Fabien Nègre
  • Chef Sylvain Sendra
  • Petrus Persimmon
  • Restaurant Petrus Ravioles de légumes
  • Restaurant Persimmon
  • Restaurant Petrus

Lyonnais aux itinéraires tôt constellés, toscan pavé d’une fleur dorée, voyageur lointain, -Pérou, Japon, Thaïlande, Qatar-, flamboyant de méditerranée, Sylvain SENDRA, pincé de vins, ressuscite le bistrot Pétrus, charmante institution flanquée du Persimmon, comptoir intimiste, table discrète de chef à la délectation secrète

Dans la ville aux deux collines, le 16 février 1977, se lève un gone gourmet au berceau miellé. Paul Bocuse et Alain Chapel rayonnent. Georges Blanc étincèle dans son apogée bressanne. Le cadet friand d’un couple de modestes boulangers-pâtissiers-chocolatiers lyonnais verse, de facto et subito, dans l’univers de la suavité : « J’aime les desserts de boulangers au restaurant, simples et profonds ». Dans cette fratrie au confluent de l’Italie et de la crème, du beurre et du soleil, des lasagnes et des feuilles de vigne, la grand-mère paternelle toscane dessine ses gnocchis à la fourchette.

Les grands-parents maternels pieds-noirs roulent la semoule de leur couscous dominical : « La table primait. Quoi qu’il arrive, on mangeait bien ». L’influence méditerranéenne se conjugue à la culture du gras sans garbure. Le père, collectionneur de belles bouteilles, ouvre à l’adolescent un monde fascinant, celui du jus de la treille : « j’ai découvert le vin grâce à Bordeaux. J’ai toujours aimé cette appellation sans la dénigrer ». Entre 15 et 18 ans, le lycéen tergiverse entre une carrière militaire à l’instar de ses aïeux paternels pour l’aventure des paysages et un destin culinaire.

Entre 1996 et 1999, le bachelier série Économique et Social, à la sensibilité artistique, « précis mais pas toujours rigoureux », étudie à VATEL Lyon. Il en sort diplômé d’un BTS Hôtellerie Restauration option arts culinaires. Le commis démarre en trombe, en 2000, lors d’une saison à La Chèvre d’Or, à Èze, sous les auspices du pugnace et fin technicien picard Jean-Marc Delacourt, MOF 1991, fraîchement double étoilé. A Londres, au Roussillon, auprès d’Alexis Gauthier, ex solide ducassien au Louis XV, à Monaco, le chef de partie engrange l’expérience « d’une belle maison avec une grosse brigade, dans le cadre d’une cuisine bourgeoise légumière méditerranéenne ».

Cette aventure londonienne forge, en lui, les pilotis d’une vision du management et d’une conception de la cuisine « focus business ». A 23 ans, l’artisan propriétaire accomplit son désir et inaugure son premier établissement, « Le Temps au Temps », dans le 11ème arrondissement de Paris. Le chef déterminé, seul en cuisine sans plongeur ni pâtissier, allie la fraîcheur de la jeunesse à l’expérience de l’altérité. Dans ce bistrot moderne, à la cuisine de 5 m2, sans doute le premier restaurant « bobo » de la capitale, sorte de table de poche hors des voies toutes frayées, il relève le défi avec six mois de réservations. Cette jolie cuisine de marché gastronomique qui « sortait bien », au rapport qualité prix exceptionnel, perdurera quatre ans.

En 2008, la scène culinaire parisienne frissonne d’un deuxième tressaillement : Itinéraires, dans le 5ème arrondissement. Moderne, lisible et goûteuse, accès sur la pureté du produit dans un esprit japonais et une conviction macrobiotique, cette cuisine de voyages qui réfléchit les vins affirme d’emblée une étoile. En 2012, pour assouvir encore davantage son amour du vignoble, le cuisinier lyonnais souvent précurseur lève le rideau de « 58, qualité street », un bar à vin, épicerie cave, aux abords du Panthéon, dans le 5ème.

Pendant quatre ans, entre 2014 et 2018, le chef brillant fait un retour réflexif à ses origines dans sa trattoria italienne détendue, Bocca Rossa, rue de Poissy, toujours dans le 5ème. Vins et produits le ravissent : « je faisais la vraie cuisine italienne de mon enfance mais la clientèle parisienne ne voulait pas. Les clichés nous rattrapent parfois ». L’avide d’autres paysages part en chef consultant un an à Bangkok, à l’Hôtel VIE. La mission, -création de cartes, organisation d’événements-, le séduit.

La cuisine thaïe, variée, pimentée et florale, l’enthousiasme autant que la manière de travailler. En 2019, au Casino de Beyrouth, un autre pays l’emporte dans cette cuisine française gastronomique à destination de la diaspora libanaise aisée. Au-delà, cette culture méditerranéenne de cuisine de maison et de beaux vins l’inspire : « Cette cuisine de terroirs ressemble à l’italienne par l’extrême qualité du produit, la simplicité de mise en œuvre, la profondeur du goût, les herbes et les épices ».  
 
En 2019, le chef indépendant, de retour à Paris, installe Fleur de Pavé et obtient une étoile en six mois. Ce comptoir décontracté du 2ème arrondissement, rue Paul Lelong, ne désemplit pas. Ce lieu élégant, très parisien, avant-gardiste à bien des égards, relève pourtant de la culture culinaire japonaise et péruvienne : « j'ai le sentiment qu'ils mangent là-bas de la même façon que je vis dans ma cuisine. Tout est dans l'intention : donner le meilleur en ayant reçu le meilleur. Une attention constante est donnée aux détails, aux gestes, aux contrastes de textures, à la justesse des cuissons, à l'équilibre entre acidité et gourmandise ».   

Depuis 2024, Sylvain SENDRA revitalise le bistrot Petrus, célèbre institution de la place du Maréchal Juin dans le 17ème. Loin de la brasserie gastronomique, il propose, dans un lieu de vie, « une cuisine française de tradition pas galvaudée, on ne roule pas des mécaniques, on en fait pas des caisses, c’est une cuisine douce, enveloppante, discrète, gourmande, lisible, rassurante ». Plusieurs espaces, entre-soi ou avec d’autres, architecturent l’établissement : une table de cave, le bistrot et enfin, un comptoir en mode nippon face au chef, intime et intimiste, lieu privatif haut de gamme, le Persimmon.

« Je me vois comme Yves Camdeborde. Un modèle. Chef propriétaire qui veut bien faire. On n’a pas la prétention de révolutionner la cuisine, on a juste un esprit de belle cuisine et que les gens se trouvent bien ». Le tartare de gambas se coiffe d’un voile de têtes. Le siphon yaourt tempère l’extravagante finesse sucrée de la tartelette carotte qui nous envahit de volupté. Le cromesquis, au Comté et à la truffe noire, subjugue. La tarte à l’oignon, anchois et champignons, revivifie. Les asperges au citron confit, huître et émulsion estragon, émeuvent par cette « volupté pudique » empreinte de délicatesse si bien caractérisée par Marie Aline. 

La quenelle à la lyonnaise, écrevisses et jus d’écrevisses, nous berce dans son crémeux aérien. Les petits pois et épinard du rare artiste espiègle haute couture du légume, Monsieur Asafumi Yamashita, dénomment la rêverie méditative d’une soif désaltérante de la soie végétale. Le filet de sole, morilles au Comté, sauce vin jaune, nous rattrape par le bras marin terrien. Le pigeon au barbecue, cuisse confite, betterave et truffe noire, décale le décollage. Le chou-fleur tutoie la vanille. La ganache au chocolat embrasse le persil et les noisettes avant l’ultime trio de bonté : chouquette vanille, tarte au chocolat, guimauve.   
 

PETRUS

Le restaurant Petrus a été repris à la fin août 2024 par le chef étoilé Sylvain Sendra qui possède...

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