PORTRAIT DE CHEF
François PERIERS

Par Fabien Nègre
  • Chef François Periers
  • Noix de Sait-Jacques
  • Rillettes de Tourteau
  • Filet de boeuf
  • Selle de chevreuil

Charentonnais aux MOF constellés, montargois des paysages franco-helvétiques, François PERIERS actualise de l’intérieur l’esprit d’un maître de la gastronomie genevoise, l’art de vivre de Philippe CHEVRIER, loin des vagues et des vogues, issu des formes subtiles de la tradition, ancré et ouvert, gracieux et audacieux.    

En 1984, à Charenton-le-Pont, dans la banlieue sud-est parisienne devenue cossue, un enfant attentif perle. Les grands-parents paternels élèvent des moutons dans la Manche, au cœur du bocage, non loin de Villedieu-les-Poêles, pays de fonderie de cloches et surtout de vaches qui se prélassent dans les verts pâturages. Le gaillard enlace les bons basiques, « beurre, crème, cidre, produits de la ferme », d’autant que le grand-père maternel, crémier de son état, précurseur des caves d’affinage, termine sa carrière chez Fauchon pour y installer un lumineux étal de fromages.
 
Avec sa grand-mère maternelle, il s’adonne au maraîchage, fasciné par le bourgeon des asperges, le carmin des betteraves, l’acidulé ombreux de l’oseille au bout du jardin. Le père normand, d’abord cordonnier puis agent des pompes-funèbres, adepte de la cynégétique de Benoît VIOLIER, prélève du gibier à poil et à plumes. Le pêcheur à la truite sauvage adoube son fiston aux brochets, aux petites perches ou à l’anguille. La mère bretonne, fonctionnaire au Ministère des Finances, à Bercy, suit son mari à Montargis, dans le Loiret, dans une ample demeure au milieu des champs.
 
A 7 ans, la cuisine envoûte l’apprenti passionné : « l’univers et les plaisirs de la table font partie de l’ADN de ma famille ». L’élève appliqué rentre, à 15 ans tout juste passés, dans sa ville, au Lycée Hôtelier Saint-Louis. Il y réussit allégrement toute sa formation : CAP, BEP, Baccalauréat professionnel : « j’aimais vraiment la cuisine, j’étais dans le bain ». Mieux, son ambition s’étend à la restauration au sens large : gestion, management, comptabilité. Captivé par les impressionnantes découpes des volailles de son professeur Claude Berville, il se damne également pour les pièces entières notamment le déhanché de bœuf bardé par le Chef Montaigu.         
 
La joie du grand produit ne dépayse pas le commis lors de son arrivée, en 2001, à l’Auberge des Templiers**, à Boismorand, sous la gouverne d’Hervé Daumy. Dans cette propriété de prestige en bordure de la nationale 7, fondatrice de l’association hôtelière des « Relais de campagne » (1954), ancêtre des « Relais & Châteaux » (1975), François PERIERS contemple le « bal orchestré des plats » dans une brigade souveraine. Le gibier règne en maître avec le sanglier, le chevreuil, le cerf et autres bêtes de la forêt.
 
Les petits dressages de Saint-Jacques le convertissent autant que le chef pâtissier anglais l’absorbe avec l’éternitaire soufflé « ROTHSCHILD », au grand Marnier, fruits confits, glace à la vanille bourbon. A sa majorité, il change de décor pour un charismatique tonique de « la folie du végétal, cru, cuit, mixé et du pain » ; Jean-Luc Rabanel** à Arles. En 2006, au Prince de Galles*, dans le 8ème parisien, sous la direction de Benoist Rambaud,-brillant élève de Gérard Vié, le grand versaillais double étoilé des Trois Marches-, lui ouvre les ors de l’Hôtellerie de luxe.
 
Du homard thermidor aux bars en croûte de sel, des poissons entiers, turbot et soles, jusqu’à la Saint-Jacques dieppoise en carpaccio ou les viandes rares, le chef de partie ne traite que du merveilleux. En 2009, il étoffe sa trajectoire déjà solide d’un tournant international en rejoignant le Manoir de Calcot, dans le Gloucestershire, en Angleterre. Cette maison anglo-française dans les bois, sise dans le comté de Bristol, enchante le sous-chef junior pour le persillé des Hereford, la tendre puissance des cheddars et l’agneau cuit au four à bois.
 
En 2011, le jeune talent sollicité rentre en France où il fait une rencontre majeure, source d’inspiration séminale, au Ritz Paris : Michel ROTH, MOF et Bocuse d’Or 1991. En 2012, ce père formateur exemplaire, mentor de toute une génération de chefs l’emporte à Genève pour le seconder dans l’ouverture du restaurant BayView dans l’allégorique Hôtel du Président Wilson. Là, la pression monte aux côtés d’un monstre, Ulrich Behringer, plus jeune prix Taittinger de l’histoire. Le rafraîchisseur de la cuisine de Palace, pendant dix ans, travaille aussi le macaron à la truffe avec le champion Laurent Wozniak, « génie du dressage », aujourd’hui au Mandarin Oriental de Genève : « un des plus grands techniciens jamais croisé ».
 
Il s’attèle à la rénovation du foie gras, du carpaccio de Saint-Jacques au chou-fleur. Il virevolte sur tous les postes pour tout savoir. La première étoile clignote vite mais la deuxième tarde. L’impatient passé maître dans l’art du jus de veau, des bisques de crustacés, des consommés et autres fonds, veut réformer la légende tout en finesse et en délicatesse. En 2020, au restaurant « Chez Philippe », à Genève, le second de cuisine se trouve vite promu chef en 2023. Dans ce bar-grill du passage des lions conçu comme un loft à la newyorkaise, une autre histoire s’annonce.
 
Le compétiteur délivre une qualité gastronomique dans une brasserie de luxe. Le 1er septembre 2024, sa récompense tient dans le poste de chef de cuisine au Domaine de Châteauvieux. Par-delà le classicisme, dans une fidélité sans faille aux traditions, il relance le design des assiettes dans une certaine pureté. Dans une conception allégée, le calme autoritaire qui aime la rigueur militaire de la brigade règle les niveaux dans une justesse de l’acidité, une tension contemporaine : profondeur et structure d’un homard à l’émulsion de cardamone, vivacité d’un jus de bœuf, dressages pâtissiers distinctifs.
 
Celui qui apprécie la complexe simplicité d’un BOCUSE veut « monter en émotion », mettre les techniques en scène avec la complicité magistrale d’Estéban VALLE TRUJILLO. Le corail d’oursin de Bretagne embrasse le cédrat confit dans une salade croquante au fenouil, crème légère de crustacés au caviar, « Caroline » à l’estragon. Les cœurs d’artichauts « poivrade » farcis au foie gras fondent dans la crème d’orgeat et gelée de canard parfumée au café grillé, brioche toastée. Le Carpaccio de Gambero Rosso marinées aux fruits de la passion tapisse la crème vodka et citron, pain aux algues toasté.
 
Les asperges blanches de Cavaillon enrubannent la crème acidulée au caviar « Osciètre », blinis au sarrasin. Les jambonnettes de cuisses de grenouilles poêlées s’étirent dans une mousseline de pommes de terre à l’ail noir et tomate séchée. Le homard bleu de Bretagne rôti à la coque, au Noilly, affranchit les poireaux « crayon » dans une purée de céleri boule, rafraichi des pinces et jus des carapaces. La Côte de cochon de « Monsieur Chappuis » à Lussery-Villars éblouit, parée de ses gnocchis à la crème de cresson, carottes confites au gingembre.
 
Le coeur de filet de bœuf « black Angus » poêlé trône sur sa tarte fine aux asperges vertes et aux morilles, « gyoza » de queue de bœuf. La pomme de ris de veau poêlée, légèrement fumée haubane les endives braisées à la mandarine, jus infusé au bâton de réglisse.        

Photos : Adrian Ehrbar - Marc Ninghetto
 

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