PORTRAIT DE CHEF
Maximin HELLIO

Par Fabien Nègre
  • Le chef Maximin Hellio
  • Maximin Hellio asperge blanche
  • Maximin Hellio
  • Maximin Hellio tartelette framboise basilic
  • Maximin Hellio à l'étage

Dauphin briochin, rare deauvillais stellaire peuplé par la puissance des fonds et la douceur des formes, Maximin HELLIO dessine son exquise excursion au large du Calvados et par la flânerie dans les pâturages normands.      

Le 19 novembre 1981 accoste dans la baie de Saint-Brieuc, un aîné du « bon goût » qui subodore dare-dare le goût du bon. Le père, Michel, longtemps plus jeune chef étoilé de Bretagne trente-cinq ans durant à la Voile d’or, dans la préfecture nord-armoricaine, décline la joie sialagogue des extractions océanes dans un solide style : « Il m’a légué le goût de la gastronomie, de ses saveurs au gré des saisons. Ma cuisine est la sienne, ajustée à mon époque. Le reflet d’une transmission. De père en fils ». Le miston respire en féerie, grandit en beauté dans une famille soudée. La maman Marlène gouverne l’établissement avec bonté et sérieux.  
 
A 7 ans, le galopin cavale couramment aux fourneaux pour une régalade royale avec un foie gras au porto, pommes rôties, des pruneaux et des abricots confits, un ananas à la vanille bourbon de Madagascar, un millefeuille d’anthologie : « Tout juste sorties du four, les chutes de feuilletage croustillaient ». Dans ce fabuleux conte de féerie, le handballeur pivote sur tous les postes en toute liberté, dans la ferveur de la dégustation des sauces, du poisson aux viandes, des légumes aux délicatesses sucrées.
 
Un beau matin, le préadolescent qui rêve d’être pilote de chasse supplante au pied levé le pâtissier de la maison. Il s’enthousiasme pour les soufflés, les mousses parfumées et autres crémeux à l’angélique ou l’agastache. Le jeune homme au physique athlétique saute en longueur, sprinte, tape le volant de Badminton. En 1999, le basketteur du COB Saint-Brieuc né sous la voûte étoilée passe son CAP/BEP en Bretagne sauvage et profonde, au Centre de Formation d’Apprentis de Ploufragan.
 
A 16 ans, le marmiton veut apprendre à Plancoët chez le double étoilé Jean-Pierre CROUZIL, un personnage à la bonhommie autodidacte, à l’Hôtel-Restaurant-PMU de la Gare, auteur de « la pomme de ris de veau bien né, dorée en sauteuse, au jus clair à la queue de bœuf, des carottes fondantes et quelques morilles ». La réponse épistolaire de la gloire des quais longeant l’Arguenon le scotche : « Reste chez ton père, c’est avec lui que tu apprendras le plus et le mieux ». En 2005, le commis de L’AUBERGE DE L’ILL***, auprès de Jean-Paul BOESTEN, MOF 2011, ex-second de son père, bras droit de Marc HAEBERLIN, perfectionne son apprentissage de la viande, pigeons et colverts, et s’entraine à la finale du Meilleur Ouvrier de France Bretagne.
 
Après un passage en demi chef de partie dans le jardin exotique de l’OASIS** à La Napoule, l’année suivante, en 2007, celui qui confie que sa femme représente sa deuxième étoile saisit une place de chef de partie auprès de Frédéric ANTON*** au célèbre Pré Catelan. A 25 ans, soudain, son père, malade, l’appelle pour reprendre l’entreprise familiale. La perte de l’étoile, l’absence d’un leader charismatique et l’inexpérience de la direction d’une brigade de vingt personnes ne pardonnent pas. Le dépaysement non plus. A 30 ans, en Normandie, le Chef au Pavillon de Gouffern, dans un ancien relais de chasse ceint d’un parc boisé de quatre-vingts hectares, attend son heure.
 
En octobre 2015, après deux ans de recherches labyrinthiques et un bel agrément paternel, le grand de demain 2012 crée son propre restaurant sur un coup de cœur absolu au centre de Deauville non loin de la place Morny. En 2017, après six mois de travaux d’embellissement, son étoile étincèle dans une évidente clarté. Attendu dans toute la région, le wind et kite surfeur projette des paysages dans des contenants pensés, telluriens et maritimes. Sa technique, sous-tendue par des horizons stratifiés, promenades plongées ou balades aériennes dans des provenances normandes ouvre une vision de la perspective côtière ou herbagère.
 
Son art culinaire identitaire conte un territoire et ses terroirs qui sculptent l’assiette. Les plats-signatures marquent, incarnent la griffe d’une écriture ou l’esquisse d’un tableau : homard de mon papa, œuf de marans yuzu, saint-pierre de petit bateau salsifis, turbot pamplemousse. Dans un sens noble de l’artisanat, le mangeur se nourrit, éprouve une expérimentation de son intellection, une découverte de l’acidité avec la pomme, le cidre ou un miel de fleurs truffé, pièces artistiques contemporaines.  
 
Crevettes au sarrasin, asperges de falaises de Monsieur Hardy à la sauce sapin, homard à l’estragon, saint-pierre au fenouil, autant d’essais phénoménologiques de la tentation. Les sauces, élégamment placées dans des céramiques idoines, sur table, se boivent et se mangent tel un plat : « Je ne renonce pas aux produits nobles notamment le bœuf de Galice. Pourtant, prendre dans ses mains n’importe quelle œuvre de la nature, sardine, maquereau, quasi de veau et le faire sortir de l’ordinaire, l’élever, tel est notre rôle. Fouler, refouler, fermenter, passer et repasser. Je réfléchis, je me pose, j’imagine quelque chose au loin ».
 
Toute proposition se mue en vibrant paysage. L’encornet, fin et aérien, frais et bleuté, nage presque devant nos yeux de sa frêle complexité pellucide. Il flâne tout en opalescence parmi des grains d’osciètre réhaussés d’une sauce à l’imaginaire iodé. L’œuf de poule noire scénarise les champignons. Les ruches et le potager de la ferme de Breuil-en-Auge révèlent « une trame qui s’étend, un peu d’amertume, une vague continue, un fil ondulatoire pour que la Normandie brille dans sa cohérence du début à la fin ».
 
L’architecture des textures gagne ainsi en intensité, en force ou en caractère. Les sauces lient les accords, travaillées dans une logique d’adéquation. « Dès qu’un couteau ou un verre vient sur table, il faut justifier. Christofle est en Normandie. Aucun secret mais du travail. ». Dans ce chemin parcouru de transcendance, d’émotion, de sincérité limpide, préexiste une attente d’aube et d’aurore. La balade au large chuchote une huître du père Gus, voile de lait, caviar et vinaigrette betterave.
 
Ensuite, la Saint-Jacques crue du pêcheur trouvillais rentre en matière avec la sauce réglisse, l’éclat de noisette et le beurre éponyme. L’oursin de Bretagne, crémeux anisé et paprika, annonce les coques trouvillaises, tagliatelle de céleri, caviar Kaviari et sauce à la marjolaine. Les crevettes grises de Mr.Roperts, galette de sarrasin garnie d’un crémeux de pomme de terre et bouillon parfumé au gingembre font écho au rouget du petit bateau, crémeux d’haricots coco, choux et sauce yuzu. L’ananas confit au citron vert et coriandre pétrit notre heureuse issue désaltérante.
 
La méditation dans les pâturages s’ouvre sur une terrine de foie gras et artichaut. La betterave glacée au vinaigre de framboise et gelée de concombre aiguise l’appétence. La quenelle de veau, choux de Bruxelles, truffe blanche d’Alba sauce estragon intronise l’œuf de poule de la ferme de Gonnegirls. La raviole de potimarron, éclat de châtaigne et bouillon de champignons d’ombre converse avec le poireau crayon, flan aux épices et sauce au vinaigre de sapin. La poularde des éleveurs de la Charentonne, nouille de salsifis, cacao et sauce cidre nous attise dans des panoramas ancrés et célestes.
 
La pomme en deux versions, crémeux et sorbet agrumes puis en mille-feuille revisité nous donne un rêve, mieux une rêverie et sans doute un voyage de soi dans notre altérité.
 
 

MAXIMIN HELLIO

Le chef Maximin Hellio a ouvert son restaurant au centre de Deauville en 2016, il a obtenu une étoile Michelin en 2017, après celle obtenue à...

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