PORTRAIT DE CHEF
Christophe DUCROS

Par Fabien Nègre

Au sein de l'adorable village médiéval de Castillon-du-Gard, à deux arbrisseaux de sauge de l'immortel aqueduc romain du Pont du Gard, dans le restaurant de l'Hôtel du Vieux Castillon, membre de l'ambitieux réseau "HOTELS & PREFERENCE", valentinois sétois, italien méridional, le discret méritant Christophe DUCROS rouvre d'une vision aérienne, entre les vignes alentours et la piscine blottie dans les vieilles pierres, par des gestes d'épure et d'essence, cette douce et vraie demeure provençale.  

En 1971, à Valence, dans un milieu ouvrier drômois, paraît un authentique aficionado de la cordialité méridionale des productions régionales. A 14 ans, le bel adolescent n'a qu'une idée fixe : "Je voulais devenir pilote de chasse". Le grand-père maternel, figure prédominante dans sa vie, lui offre un baptême de l'air. La détection d'une épilepsie légère ruinera le rêve et nourrira une immense frustration.



Un autre ciel, pourtant, ne tarde pas à s'ouvrir. Un oncle officie en cuisine. L'autre tonton si peu flingueur s'active au titre de "Chef de rang" dans la seule institution mondialement réputée de Valence, la maison "PIC". La grand-mère tient un bar-bistrot couru dans le centre de la commune fleurie dauphinoise. La maman sert dans un restaurant. Le plongeon dans le merveilleux univers des tables et auberges irrigue tous les tendres souvenirs d'enfance.



Après un cursus scolaire sans ombres ni ombrages, le bon élève Christophe DUCROS, une fois ne fait pas loi, emporté par le dessin industriel, réussit un baccalauréat série B en 1989, puis se cherche, s'essaie aux vigoureux travaux du bâtiment. "Je voulais devenir professeur d'anglais après un séjour londonien, des visions multiples, riches, diversifiées, j'avais suivi une scolarité classique sans but précis".


La famille se transporte à Sète, déjà familière du petit port de pêcheurs héraultais, emblème de la tielle et de la moule farcie à la chair à saucisse. "Nous ne partions jamais en vacances car mes parents étaient issus d'un milieu populaire et modeste mais nous partions parfois en fins de semaine sétoises car ma grand-mère maternelle adorait la ville. Deux jours durant, nous mangions, avec la communauté italienne, toutes les spécialités dont les fameuses bourrides de lotte".



En 1993, sur le conseil amical d'un "bon copain cuisinier", l'ambitieux sudiste rentre, en apprentissage, au "Pont Marine", établissement sétois renommé où il fait la rencontre d'un "Chef magnifique", Olivier MAURIN. Le "Monsieur", aujourd'hui installé à "La Toupine", à Brive-la-Gaillarde, formé à l'ancienne, lui inculque tout l'art culinaire y compris le goût de la cuisine bien exécutée mais "évolutive".


Le Chef MAURIN apprécie ce bleu bien plus éveillé que de coutume, qui comprend tout et tout de suite. L'ancien chef saucier du Palm-Beach de Cannes, imagine un parcours idéal pour son poulain. "Il avait tout prévu pour moi de Menton à Monaco mais je n'ai pas suivi le maître à la lettre". Les influences sétoises et méditerranéennes persisteront toujours en profondeur dans le style subtil du Chef du Vieux-Castillon.



Le tempo s'emballe. A 22 ans, rattrapant le temps froissé, il obtient son CAP puis le CFA en un an. Ses grands-parents, heureux et fiers, l'invitent chez les "PIC". "Alain PIC était en cuisine à l'époque et Anne-Sophie PIC à la réception, une maison tranquille et posée qui venait de perdre sa troisième étoile mais un grand moment". Des brasseries aux saisons à Courchevel, du "Courcheneige" à l'"Hôtel Bellecôte", du pays basque, "Grand Hôtel de Saint-Jean-de-Luz", à la côte azuréenne, le gourmand sportif découvre les faveurs de la cuisine étoilée.



Captivé par la trilogie "surf, plaisir, travail", il envisage même une installation définitive dans la région de Biarritz. Changement de cap. Grâce à une petite annonce, en 1997, il intègre une jeune équipe à l'énergie galvanisante, à la "TOUR ROSE", à Lyon, chez le phénoménal Philippe CHAVENT. "Cet esthète de l'instant, capable de fulgurances avec trois légumes et deux viandes". Claude TERRIER, ancien solide ducassien à l'ouverture du "Raymond POINCARE", à Paris, second du chef lyonnais, passe la main à Christophe DUCROS, au poste de "second".



"Je me reconnais dans ces plats de racines, ces plats gourmands de ménage, que l'on retrouve aussi chez le grand chef valentinois Jean-François PIEGE. Monsieur CHAVENT développait ses affaires, il s'était pris de folie pour la cuisine italienne. Il montait une trattoria de luxe au dessus de son établissement. Avec son Mercédès Vito, il filait à Turin toutes les semaines pour nous rapporter des produits sublimes qu'il nous donnait à cuisiner, de la pure riviera, des rougets, des saint-pierre, de l'huile d'olive ".



Sensible aux inflexions de ses paysages, le calme attentionné apprend aussi l'Asie. En 1999, le fidèle compagnon postule à l'OASIS, à La Napoule, légendaire maison triple étoilée où Louis OUTHIER rayonna de 1954 à 1988, aujourd'hui magistralement dirigé par les frères RAIMBAULT. "Stéphane RAIMBAULT est une forte personnalité, exigeante sur tout, sa cuisine est très difficile à comprendre, il ne lâche rien". L'homme qui connait l'Escoffier par cœur, pratique une rigueur presque obsessionnelle, chaque détail dans l'assiette fait écho à la cohérence d'une histoire de la gastronomie.



La transmission des recettes passe par une transformation des filiations. Après des préludes ardus, Christophe DUCROS franchit tous les obstacles, garde-manger, poissons puis part se prouver son destin, une année, à "La Pomme de Pin", à Courchevel. "Je voulais évaluer ma valeur au poste de "Chef" en 2002, décoller avec peu de moyens dans une petite maison familiale".


Le patron de l'OASIS le rappelle, le retient des deux bras. "Je gagne sa confiance, j'ai carte ouverte. J'ai tout appris dans cette grande maison : le poisson, les crustacés, toutes ces merveilleuses années où nous avons été deux années de suite nommés espoirs trois étoiles, un bistrot, une école de cuisine, une boutique, j'ai voyagé partout, Autriche, Hollande, Canada, c'est mon second père culinaire, des grands chefs et des grands messieurs qui ne licencient jamais".



En 2010, riche d'expériences si fortes sur une zone où les places s'avèrent si chères, le loyal valentinois souffre d'abandonner son mentor. "Je ne pars pas sur un coup de tête, je cherche un poste prestigieux dans un grand hôtel mais je dois beaucoup à Monsieur RAIMBAULT, il m'a aidé à tous les niveaux". En 2011, avec une envie de s'éloigner du versant ostentatoire de la côte azuréenne, soucieux de se rapprocher de sa famille et de celle de son épouse bordelaise, Christophe DUCROS accepte la proposition d'un étoilé dans un "Relais & Châteaux" : "LE VIEUX CASTILLON".


Depuis quelques années, l'attentif aux petites courgettes trompette, pratique sa cuisine sans rompre brutalement avec ses maîtres mais en s'inscrivant dans une continuité raisonnée : fraîcheur, légèreté, digestibilité immédiate, jeux classiques sur les textures et les températures, juste cuisson de chaque produit impérial. Un cabillaud nacré qui se détache cuit à 47°.

"Le défi est quotidien". Très respectueux des influences de son temps et des confluences des contretemps, soucieux de ses solides fondations, l' enthousiaste de fruits rouges du jardin écoute la modestie de ses paysages intérieurs sans nombrilisme, dans une attente et une entente. Il désire que son hôte "mange de la Provence" dans une carte à la touche italienne qui joue la dualité entre le mouvement végétal et les rencontres embeurrées.



Des légumes estivaux décadrés à sa labilité à contempler le ciel étoilé dans la simple fluidité snakée de la lumière gardoise, Christophe DUCROS avance sa tapenade sans complexe aux abords de l'eau, du "pur produit", de la brandade du soir aux petites soupes froides. Il veut associer son côté "barré" à son savoir méticuleux sans les opposer ni les superposer. Témoin son élégant chassé-croisé gras-acidité dans son "foie gras de canard mi-cuit, sirop d'hibiscus, salade de fraises en condiment balsamique".



Dans sa sauce bourride, toutes ses nostalgies d'enfance se cristallisent, de la patience d'une "selle d’agneau des Comtes de Provence juste rosée, socca végétale, jus tranché à l’huile de basilic", à la truffe d'été ciselée au melon, du quasi de veau si doux dans sa jutosité à la pluma dans sa texture hispanique sauvage et polie.



Effacer la mer, devenir populaire et aristocratique dans son tréfonds transposé en silence incandescent des formes, la résistance des goûts vitaux.



Photos Guillaume de Laubier



Le Vieux Castillon


10, rue Turion Sabatier - 30210 Castillon du Gard - Tel : 04 66 37 61 61


 
 

LE VIEUX CASTILLON

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