PORTRAIT DE CHEF
Bruno OGER

Par Fabien Nègre

A flanc de colline, en pente douce, selon les pins mimosas ou les orangers, dominant la Baie de Cannes, en face des îles de Lérins et de la corniche d’Esterel, dans la vieille bâtisse cannetane classée du Domaine Notre-Dame-des-Anges, à la Villa Archange, brillant sage à l’exactitude aigüe, calme drôle aux lunettes colorées et au parcours sidérant, dans ses rêves filmiques, le discret Bruno OGER cultive ses jardins secrets de vie dans la simplicité savoureuse, lumineux ouvrage de l’humilité.

Le 9 mai 1966, à Lorient, un véloce fuse de l’océan. La famille bretonne nordique baigne dans la brasserie paternelle. A 12 ans, le précoce prédéterminé lance, tout de go, à ses alliés pétrifiés : «Je veux travailler dans un trois étoiles». L’ambitieux mesuré aux horizons résolus spécifie : «J’ai toujours voulu devenir cuisinier pour des raisons culturelles, de voyages et de passions, sans grands-mères, sans gâteaux». L’envie de croquer le monde tenaille l’adolescent. A 21 ans, l’élève de l’Ecole Hôtelière de Dinard vainc deux sommets dans la même journée, deux entretiens avec deux des plus grands maîtres de la tradition culinaire française : Paul BOCUSE et Georges BLANC.



Le futur propriétaire du «Bistrot des Anges» exige le pilotage, distingue la voie bressanne, à 23 ans : «J’ai eu la chance exceptionnelle de rencontrer Georges BLANC, parrain de mon restaurant, une relation très professionnelle, très familiale, je suis le parrain de sa fille, un lien profond, un immense respect, une proximité, un dinosaure de la restauration, un grand exemple de la gastronomie, une maison exceptionnelle, des gens qui excellent».


En 1989, au "Normandy", à l’Hôtel Oriental de Bangkok, le chef d’orchestre prend la haute main sur les cuisines. Avec l’entrepreneur de Vonnas, le chef exécutif du Groupe, apprend le respect des identités des terroirs et des produits, la proximité avec les traditions et les hommes dans une touche de modernité et une grande considération du client.



A la tête d’une équipe de 45 chefs, aux côtés d’un monstre sacré en toutes occurrences, le développeur de l’image du groupe à travers la planète, assume les missions internationales en vraie cheville ouvrière. «La démarche essentielle réside dans le compréhension et l’analyse de la culture d’une entreprise». L’homme courtois et posé qui a choisi son amie de 20 ans, Anne-Sophie PIC, comme marraine de ses Bastides, disserte sur la splendeur des dynasties gastronomiques, l’approche variée de ces grands patrons, l’apprentissage essentiel de leur écoute, le respect de leur rigueur. En 1995, à 29 ans, le talentueux inaugurateur de «La Villa des Lys» au Majestic, admire ces grandes maisons toujours à la pointe des nouvelles techniques, toujours en avance sur leur temps. «Des maisons magiques».



Le signataire des 50ème et 60ème anniversaires du Festival de Cannes puis du dîner d’ouverture 2013, à la trajectoire fulgurante, avance une typicité différente, l’évidence de l’excellence harmonisée à un lieu correspondant à des choix de personnalité. «Je n’ai aucun maître sauf Georges BLANC». De ce parangon, le chevalier des Arts et Lettres, tire la fine entaille d’une invisibilité. «Je veux une cuisine franche de saveurs, sans éléments parasites, une technicité non voyante». A la table des Anges, le foie gras fumé au whisky devance le granité au citron, marmelade d’agrumes au limoncello. La marotte de la pleine saison, toute en renaissance printanière, ne chasse pas le brio d’une volaille de Bresse, sans crème, convoyée par ses petites ravioles de cuisses.



Cette élégante forme inaperçue des contours de la franchise salue la discrète douceur de la subtilité : «Cuisine simple et savoureuse. Equilibre, justesse, maîtrise. Une correspondance à l’écoute. La vie nous emporte, profitons du moment». Avec son épouse, artiste, qui porte un autre regard, essentiel, sur son histoire, et ses deux garçons qui, «comme tous les enfants, mangent des pâtes à la tomate et au parmesan mais du Hamburger deux étoiles», l’amateur de Pierre BONNARD défend une haute idée secrète de sa culture. «La gastronomie est une éducation fondatrice. L’enfant est toujours roi chez nous, nous les invitons souvent».

«Faire au mieux», voici l’aphorisme distillé par le réalisateur de suprêmes pains quotidiens, d’une éblouissante madeleine tiède cuite à la minute ou d’un biscuit au miel et pamplemousse confit, glace au lait fermenté.



Dans son Hôtel particulier au climat artistique cachée, classé «grande table du monde» en 2011, maison intime ultra urbaine aux 26 fauteuils, l’auteur du «cappuccino de grenouilles & palourdes à l’ail doux et vin jaune», n’oublie en aucun cas son inhabituelle capacité d’adaptabilité : «Ici, la table c’est la mer». Gourmand inexhaustible, le directeur de «l’Ange Bar» récrit son discours de la méthode : «Un reblochon fermier chaud au vin de chablis et à la truffe noire, le plus simplement du monde. Un plat à part entière. Tout ce que nous proposons est un plat. Le pain est un plat». D’une graphique élégance peu rompue au tout-légume, l’ami du maître Marc HAEBERLIN roule une asperge à l’ail doux dans le caviar.


Cette efficience esthétique touche, d’emblée, à l’essentiel sans afféterie ni pastiche.



Dans cette retranscription onomastique, la dynamique performative nous enjoint à la phosphorescence d’un certain silence bien loin de nos étranges désirs de reconnaissance et de consécration : «Je ne m’inscris dans aucune lignée, je n’ai aucune prétention, heureux en famille et dans ma vie, qu’est-ce que réussir ? Je ne sais pas ce que cela signifie». Prolégomènes aboutis des préambules, présence nouée des entrelacements distanciés, clarté et contrition singularisent la sérénité du fils prodige jamais prodigue du florissant vonnassien. «Je ne suis pas un grand chef, cela n’a aucun sens. Je ne suis pas au niveau de Frédy GIRARDET ou Alain CHAPEL».



Par aplomb, l’artisan aux lunettes rouges ne transige pas. «Je sublime le goût originel». Attisé par une curiosité infinie pour ses confrères, il nous donne congé en complice beauté charismatique : «A La Pinède, c’est éblouissant ce qui s’est passé en si peu de temps. Un chef salarié trois étoiles en province, j’y cours».

 
 

LA VILLA ARCHANGE BRUNO OGER

La Villa Archange est le restaurant gastronomique du chef deux étoiles Bruno Oger.
La Villa Archange est installée dans un bâtiment du 18ème siècle.
Selon la saison la carte de...

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