PORTRAIT DE CHEF
Irwin DURAND

Par Fabien Nègre
  • Le chef Irwin Durand
  • Restaurant Irwin asperge
  • Restaurant Irwin Turbot
  • Restaurant Irwin desserts
  • Restaurant Irwin la salle

Latignacien fulgurant involuté à la joie épulaire, toulaudain au blase impeccable, Irwin DURAND, par un toupet haptique, théâtralise les locus solus de sa mémoire dans la singularisation suprême de l’émotion, voussure rousse de l’épopée.     

De la charmante champenoise Lagny-sur-Marne, le 13 décembre 1989, résulte un attisé. L’enfant, sa dilection bruissant en sa giberne, se délecte des galettes de son ascendant paternel, pâtissier-traiteur à Saint-Thibault-des-Vignes : « le dessin de sa rosace m’a marqué ». La grand-mère de la même lignée chaperonne sa tarte aux fraises chaudes, poêlées au vinaigre balsamique : « une grande émotion ». L’autre aïeul, « gendarme gourmand », cache des carrés de chocolat noir, animaux féériques, dans son cartable. Le goût, conférence à voix basse, préambule à l’espace esthétique du monde, devance.

La mère, coiffeuse impériale puis artiste peintre, aquafortiste de la substance, aligne ses iconiques éclats, -blanquettes de veau moelleuse, osso bucco parfumé dans sa moelle, exquises tartes aux fruits rouges-, qui transfigurent le quotidien en merveilleux : « j’ai toujours vraiment bien mangé à la maison ». Le père, cadre dans l’industrie, en fin de semaine, mijote ses pâtes rituelles au thon avec tendresse, sauce tomates et câpres. Le grand-frère s’adonne à l’escalope basquaise des après-midi entières devant la gazinière.

Le véloce cycliste des forêts et des rivières montévrinoises, son Disneyland, s’immerge dans la nature : « J’eus la chance que mes parents me laissent jouer en plein air. J’ai toujours aimé être dehors ». A 10 ans, le paysage radieux se transmue grâce à une mutation paternelle ardéchoise. Dès le collège, l’ambition du goût étreint le judoka lors d’un stage de fin de troisième. Le petit exacerbé ne garde pas sa chaise. A Toulaud, sur les hauteurs de Saint-Péray, le gambilleur engage, en 2003, son étude au Lycée Hôtelier de Tain l’Hermitage : « je tombais amoureux de la cuisine ».

   A 14 ans, l’arpète fourbit ses armes liminaires pour son Brevet Professionnel, au valentinois Saint-Ruff, un restaurant traditionnel français où les produits du terroir rutilent. Le chef, Christopher Clou, seul en cuisine, l’impressionne car il crée une dégustation singulière pour chaque table : « j’avais plaisir à manger mais je ne connaissais pas le monde étoilé. Je me souviens d’une profiterole d’escargots au goût puissant, équilibré avec de l’ail et des carottes ».   

Ses parents, initiateurs flamboyants, convient le wakeboarder des torrents chez Baptiste Poinot, aux Flaveurs, à Valence. En 2005, le menu truffe du sémillant Michel Chabran**, à Pont-de-l’Isère, dans la Drôme, le trouble. En 2007, l’impétrant s’inscrit sur Relais&Châteaux recrutement pour viser haut, se rapprocher des grands chefs et voir le travail embrigadé. Ludovic Puzenat*, chef de l’Hôtel de Saint-Paul, à Saint-Paul de Vence, le mobilise abiye, le paterne dans la cuisine méditerranéenne et repère son excellence.   

Il décide alors un tour des Maisons Baumanière. A la Cabro d’or*, avec l’exemplaire pilier Michel Hulin, le demi chef de partie s’émerveille des Alpilles et de la manière provençale. Aux ailes de Sylvestre Wahid, au Strato**, à Courchevel puis à l’Oustau**, il s’infuse de la conjugaison entre le goût du terroir et les techniques supérieures de l’art culinaire. Entre 2011 et 2013, adoubé par son premier mentor, le méticuleux Ludovic Puzenat, le jeune meneo pressé de changer de turne, soucieux d’en découdre avec la capitale, parvient à l’Atelier Robuchon**, dans le 7ème.

Là, les cadors Éric Lecerf et Jérémy Page l’engouffrent dans la cadence des doigts rougis des tourneurs de sauces à la technique diabolique et à l’ordre millimétré. Dans un tout autre territoire, en 2014, le chef de partie de Patrick Bertron, chez Bernard Loiseau**, fleure l’esprit des champignons, de la pêche et de la chasse avec ses camarades de jeu : « Des fins de semaine de pur partage, des gros repas, du fromage et des vins magnifiques ». Par le style bourguignon classique, il approfondit sa compréhension du goût d’un terroir qu’il chérit tout particulièrement : « sandre à la peau croustillante et fondue d'échalote, sauce au vin rouge; jambonnettes de grenouilles, à la purée d'ail et au jus de persil ».         

Sa rentrée parisienne l’auréole de son premier poste de Chef, au Bien-Aimé, rue d’Anjou. Le « Jeune Chef de l’Année 2016 » YAM, prompt aux savoirs, parachève sa technique en sous-chef du flamboyant dirigeant Yannick Alleno au Pavillon Ledoyen*** où le cran le dispute à la modernité des extractions. Le « Jeune Talent Gault&Millau 2017 », Chef d’Alan Geaam, ouvre l’établissement libano-français de la rue Lauriston, obtient une étoile en six mois.

En 2020, consécration ultime, Guy Savoy, en personne, l’appelle, au titre de sous-chef, pour insuffler sa perspective extérieure à La Monnaie de Paris. De cette créativité de tous les instants naît un dialogue fécond et incessant sur une grammaire culinaire : « On créait deux plats par semaine ». Au Chiberta, en 2022, l’audacieux ardéchois qui n’apprécie rien tant que la profondeur holistique d’une équipe, s’associe au grand nivernais solaire. La tête de veau, le pied de cochon ou le millefeuille se métamorphosent : « humainement, c’est un très grand monsieur qui m’a donné de la force, on a dépassé le cap d’employé ».

Au Petit Retro, rue Mesnil, dans le 16ème, Irwin Durand s’exercera à concevoir et ouvrir un établissement dans la plus pure tradition des bistrots parisiens, détendu, véridique et accostable. En mars 2024, à 35 ans, en hommage à la force de vie de son arrière-grand-mère prénommée Irma, qui vécut, chez elle, jusqu’à 100 ans, le courageux déterminé invente son propre restaurant dans le 8ème : « Sensorielle, émotionnelle et immersive, ma cuisine retransmet l’amour des plats avec une équipe qui forme une famille ».    

Son enfance ardéchoise, ses maîtres chefs, ses éblouissements culinaires sculptent sa courbe d’horizon : « je crée ma ligne avec ma vision. C’est un art total : cuisine, salle, pâtisserie, plonge ». Susciter des émotions équivaut à la renaissance des traceurs universels du goût de l’enfance. La gastronomie fonde un théâtre, la cuisine un spectacle pour la commensalité du plaisir partagé : « la caillette est un plat paysan qui trouve toute sa place dans un menu gastronomique ». Amusement et communion, passetemps et don, improvisation et conversation, cette justesse remodèle également les codifications par son écoute et son entendement.

Cette intelligence organique de la différence appelle une éthique : « Nous demandons à nos clients non pas ce qu’ils ne mangent pas mais ce qu’ils auraient envie de manger en les appelant pour leurs faire plaisir ». Chaque menu tisse la mémoire d’un lieu et des lieux de souvenirs.      

Le Migliicciu, galette tiède au fromage de brebis corse, cuite au feu de bois, se rompt à l’heure apéritive. Le bouillon de légumes & marjolaine nous concentre. L’asperge verte rôtie se drape dans une mayonnaise au thym citron. Le turbot de ligne s’étire avec son artichaut aux algues. La caillette de cochon guidée par un jus réduit s’égaye en chlorophylle. La sauge contraste l’acide lactique. Les vanilles se condimentent au miso. La délicate tarte à partager fraises, olives de Nyons, romarin, touche en plein coeur. Le rêve passe et puis on danse.
 

RESTAURANT IRWIN IRWIN DURAND

Le chef Irwin Durand a ouvert son restaurant Irwin en avril 2025. Le chef Irwin Durand a travaillé avec Joël Robuchon, Bernard Loiseau, Yannick...

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