PORTRAIT DE CHEF
David BIZET

Par Fabien Nègre
  • Le chef David Bizet
  • David Bizet entrée
  • David Bizet plat
  • David Bizet dessert
  • La salle de l'Orangerie George V

David BIZET est le nouveau Chef du Palace Peninsula Paris ; ce Portrait du chef a été écrit lorsqu'il était au George V à "La Galerie" et ensuite à "L'Orangerie du George V Four Seasons" puis au Taillevent.  

Natif de Mortagne-au-Perche, David BIZET, chasseur ornais fidèle à sa Normandie, délicat épuré, inspiré par ses aspirations, fin connaisseur des maîtres des lieux, à «La Galerie Four Seasons» et désormais à «L'Orangerie du George V Four Seasons».
David Bizet présente son style recherché et maîtrisé à la profondeur asymptotique, entre retenue formelle et légèreté réelle, pudeur et délicatesse, dans l’évidence d’une éminence en mouvement.

Le 8 février 1978, à Mortagne-au-Perche, cabriole un enfant prudent, précis et intelligent. «Tout simplement une éducation, une maison, des repères, un mode de vie». De cette généalogie paysanne émane le cœur de la valeur gustative. La cuisine se fabrique alentours de ce sublime garde-manger de luxe. Tous les aïeux maternels cultivent, à la ferme : volailles dans la basse-cour, agneaux et veaux de lait, lapins, vaches. Plus loin, un jardin des délices trône, avec un verger. «Mon palais fût formé dans le bon, j’eus la chance des produits et du terroir dans mon éducation».

Dès le babil sous les marronniers, l’invite culinaire s’installe pro domo. «Civet de lièvre de ma grand-mère, pot au feu de mon père, blanquette de ma mère». Le friand de 13 ans, jeune blondinet sérieux et souriant veut «épouser la cuisine». L’oncle tue le cochon pour enfanter boudins, rillettes et autres savoureux pâtés de tête. Le proche frérot, charcutier aux environs de Caen, anime ses deux boucheries. Le père, chaudronnier, ne s’éloigne jamais de ses cousins qui œuvrent tous dans les métiers du gosier. La famille raffole des hauts goûts.

La mère, responsable qualité dans une société de fabrication de disques laser, passe le plus clair de son temps en tablier. «L’attachement à la nourriture, froide ou chaude, s’exprimait dans des repas de famille immenses». L’Ecole Hôtelière de Granville, la meilleure du secteur, à l’époque, entre 1992 et 1993, inculque la passion côtière du poisson. L’apprentissage s’effectue, comme David TOUTAIN, au «Manoir du Lys», à Bagnoles-de-L’orne, entre 1995 et 1997. A 17 ans, il brûle les planches, empoche son «Brevet Professionnel» et son «Brevet de Maîtrise» tout de go.

En pleine forêt de champignons, le jeune homme «du genre studieux» engloutit les techniques, l’art du pain, les confitures estivales. «Je dormais sur place, j’ai tout appris, très vite. Ma priorité, la formation et les formateurs». Toutes voiles gonflées, le normand qui aime à réfléchir à l’approfondissement du goût dans une forme de féminitude, passe son Armée, entre 1997 et 1998, à la Présidence du Sénat. Là, dans une petite maison aux futurs grands, l’équipe ornée de MOF (Jean-Jacques MATHOU, Gilles POYAC), de Bocuse d’Or (Fabrice DELIGNE) relève d’une écurie de Formule 1.

«Année de formation incroyable avec des produits de luxe extraordinaires, travaillés de manière présidentielle, j’ai voulu alors rentrer dans les plus grands parisiens». En 1999, le chasseur «viscéral» arrive chez TAILLEVENT***, période Philippe LEGENDRE, un autre amoureux de la traque du gibier en sous-bois. «La chasse répond à des valeurs. Je la pratique dans l’Eure et Loire, aux gros gibiers, le sanglier notamment, j’y trouve une vraie identité, une tradition, un savoir-faire, une convivialité, une cordialité, une connaissance de la nature, à l’arc, j’étudie les pratiques ancestrales».

Du vendéen des Essarts, il tire la profondeur et la culture des goûts, la maîtrise et le choix des matières premières, la structuration du palais. En 2000, le disciple suit son mentor, au GEORGE V, dans une équipe hors-normes affûtée pour la consécration suprême : Eric BEAUMARD (Directeur du restaurant, sommelier hors-pair même parmi ses pairs). Depuis 15 ans, le second enfin premier connaît les moindres secrets du seul établissement hôtelier consacré «Meilleur Palace du Monde» à deux reprises.

D’Eric BRIFFARD, il retient la capacité gustative, une technique prononcée, un œil esthétique sur l’assiette ouverte sur la différence. Le maître presque nippon qui réhabilita le Pithiviers lui laisse une élégance et une finesse d’approche par sa diversité, une largesse d’esprit incomparable. Chez Christian LE SQUER, il apprécie un homme de profondeur de la succulence dans la modernité du monde et la finesse de l’écoute. Trois stylisations, trois éducateurs. «J’étais n°2, j’ai passé 15 ans avec 100 cuisiniers dans la brigade. LEGENDRE avait confiance en moi, en mon discernement. J’avais besoin d’élargir encore mes connaissances. BRIFFARD m’a apporté d’autres savoirs. Un travail de défi approfondi. L’arrivée de Christian LE SQUER m’intéresse vivement pour son envergure».

Depuis 2015, la cuisine de David BIZET voulue «entre exception et discrétion» selon José SILVA, Directeur du George V, s’inscrit dans un lieu bien spécifique, fort, «La Galerie», choyée par ses habitués, discrets extravagants ou assis dithyrambiques. «Une carte pour se sentir là où on est, le savoir-faire parisien, à la française». Par des accords où prédominent les articulations mer-terre, le pêcheur en rivière, étang ou mer notamment le maquereau de ses côtes, se met en quête de dimensions fines, précises, harmoniques, il pousse loin les balances.

Dans un souci didactique, il encastre identifications des saveurs et désir des identités. La simplicité advient par la technique. Une assiette gastronomique provient souvent de la recherche de l’essence d’un produit, d’une tradition, d’un maraîcher, d’un éleveur. Cette cuisine évolutive interprète une vitalité qui marque les mémoires. Tendresse et tendreté, féminité et longueur, autant de réquisits pour regagner des goûts profonds classiques et traditionnels avec l’élégance actuelle. «Revenir et bien se sentir». Le petit frère d’Eric BEAUMARD ne craint pas une certaine présence virile du corsé dans l’impact du goût mais insiste sur le ressenti de l’extrême délicatesse associée à une fin de bouche équilibrée.

«Je n’impose rien, je propose sans sombrer dans le consensus trivial, cela m’appartient, c’est ma vie». Des confrontations végétales entre l’amer et l’acide, du gras comme support naît l’accord. «Une façon de contrebalancer. Je veux porter sans puissance excessive». Les étapes de la longueur correspondent à des strates qui prolongent les «caudalies de bouche». Le visage angélique définit tout simplement le «dessert gourmand», comme «celui dont on commande un deuxième. Croustillant caramel/anis vert, crémeux cacahuète grillée ».

Entre dessins d’enfant sur une plage normande et salinité qui marque la mémoire de sa persistance, le Chef de «La Galerie» ne veut surtout pas l’épate mais «changer les idées, les façons de faire, les manières d’être. Poursuivre le travail fin de ma signature dans un Palace tout en visant la continuité cohérente du repas». Dans le «homard rôti dans un beurre d’algues, coco de Paimpol et capucine», on perçoit la typicité de l’herbe et le poivre montagnard. «Je ne veux pas d’un ingrédient qui prenne possession de tout».

Le chevreuil d’hiver, cuit sur l’os, dormira sur la braise ensommeillée, rôti, levé à la minute, laqué à la fleur de sureau. Il y avait aussi le «pigeon au foin, cerises et olives noires» loué par le secret Eric FRECHON, dixit, «un des meilleurs de ma vie». Autre exemple étincelant : «perdreaux gris de Beauce au feu de bois, pétales croquantes et jus perlé». Elever et ancrer, perdurer dans l’évanescence, hausser le niveau de distinction, affermir les détails, sensibiliser à une approche œnologique des provenances, expliciter les terroirs, autant d’ambitions nourries par un jeune Chef épanoui dans sa belle ouvrage.

«Les liants se raréfient. Ils se font naturels comme le rizotto de pomme de terre. Les saucières en argent sur la table doivent disparaître mais on réintroduit la sauce dans un laquage, par réduction de fruits rouges, par recherche de la profondeur». David BIZET compose ses consommés avec des vieux madères et des moments rares ; aime les plats de mémoire dans la palombière : «Biscuit sablé au parmesan, confit d'olives et de truffe noire», «Langoustines rôties à la feuille de combawa, mangue/coco, lime», «L'œuf de poule fumé au caviar de Sologne, cresson de Fontaine» (presqu’un classique), «Homard bleu en cocotte à la feuille de châtaigner et chanterelles». Viser loin pour s’envoler, de la pénombre à la clarté bien méritée.

L'Orangerie du George V
31, avenue George V - 75008 Paris - Tel : 01 49 52 70 06
 
 

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