PORTRAIT DE CHEF
Lionel MENARD

Par Fabien Nègre

A Biscarosse, juste sur la dune, dans le centenaire «Grand Hôtel de la Plage» rénové en 2013, rare établissement de la Côte Atlantique en prise directe sur l’Océan, membre de l’étonnante collection «Hôtels & Préférence», parisien estaquéen, provençal méditatif, Lionel MENARD, entre flots sublimes et sièges Jean NOUVEL, rassérène le promeneur à la suite aux damiers noirs et blancs avec miroirs sur mer par de libres délicatesses iodées aux balances iliennes sans effacer le fortifiant sol landais.  

Native du 18ème de Paris, en 1965, l’enfance s’enroule pourtant à l’Estaque, dans ce hameau phocéen isolé d’ouvriers et de fabricants de tuiles du 16ème, jadis station balnéaire, qui inspira peintres (Cézanne, Braque, Renoir), pêcheurs et cinéastes (Allio, Guédiguian). Depuis des horizons, la famille navigue entre Aubagne et Marseille. Le père manie le pinceau, la mère le tableau de l’institutrice. «Il n’y avait aucun lien avec la gastronomie mais toutes les femmes de la maison cuisinaient». Le couple éclate, le minot traumatisé trace l’Ecole du Grand Viaduc.



L’ogre jovial se délecte de menus hachés menu de sa grand-mère maternelle et contemple sa mère enfourner ses gâteaux. Assombri par le décès de son père, entre 1975 et 1980, il rentre chez les «Orphelins d’Auteuil» et en sort «Meilleur apprenti d’Eure et Loire en pâtisserie». En 1983, l’apprentissage bouscule au «Château des Vaux» dans le village de la Loupe. Le service national s’avère encore plus surprenant puisque suivi d’un engagement durant trois ans dans les hélicoptères compiégnois.



En 1986, lors d’un bref passage chez SODEXO, Lionel MENARD s’essaie aux relations publiques au poste de «formateur poissons et crustacés» mais aussi à la «gestion» et au «volume». Son amour des bords de l’eau ne l’empêche pas de braiser de grosses pièces de viande. Chez IKEA, à titre très original, Chef au siège de Villepinte, il découvre les joies de la gestion et du management avec ses 65 personnes à diriger. Las, il décide de changer de cap en 1992. «Je voulais m’exprimer dans une cuisine plus qualitative».



Aux «Armes de France», à Corbeil-Essonnes, dans un établissement estampillé «4 fourchettes», il seconde Lucien DEJEAN. Dans ce lieu notoire à la clientèle assidue huppée, Serge DASSAULT notamment, le Chef du savoir-vivre océanique de la capitale de l'hydraviation, glisse sur la vogue, acquiert la parfaite maîtrise du lièvre à la Royale et autres mystères de l’éclat giboyeux. Avide de paysages, à Barbizon, village bien connu des peintres, le père de trois garçons cuisiniers multiplie les expériences fructueuses au sein de deux maisons différentes : «L’Auberge des Alouettes», «Le Manoir de Saint Hérem».



En 2010, l’appel du large le reprend. «L’eau me manquait, les embruns m’appelaient, avec mon épouse maître d’hôtel guadeloupéenne, native du Moule, je voulais vivre près de l’Océan». Chez Jean COUSSAU, au «Relais de la Poste»**, à Magescq, il comprend l’excellence des produits du terroir landais, entre «Lamproies de l’Adour aux poireaux» et «Tournedos de bœuf de Chalosse». Au Cercle de Voile d'Arcachon, au «Santa Maria», le bon vivant aiguise son regard avec une cuisine plus traditionnelle dans un lieu raffiné.



Depuis 2013, au restaurant du «Grand Hôtel de la

Plage», le sudiste bercé par ses saveurs méridionales affirmées, romarin, thym, ail, apprivoise le piment d’Espelette qui l’emporte dans son tour imaginaire du monde grâce à SELECTISSIME, un ami sélectionneur d’aromates et de condiments rares. «Les épices importent, j’utilise tous les poivres et sels possibles». Dans sa faconde pudique, Lionel MENARD pique son bar à la citronnelle, au combawa et aux épices thaïes. Exigeant sur les périodes et la pêche de ses provenances, franc et délicat, les crustacés précieux arrivent chaque jour.



La sole n’apparaît qu’entre janvier et avril, la seiche à la plancha se pigmente de son pili-pili. Au pays du foie gras de canard, le turbot entier sauvage rivalise avec la brandade de rougets en persillade. Aux sources de la salade landaise, le carré de cochon se caramélise aux épices trappeur et au miel d'acacia, le tartare de dorade s’apprête de son chutney mangue et gingembre.



Judicieux et malicieux, lors même que les cèpes et les girolles ourlent nos paniers d’osier, le confit de souris d'agneau sourit dans sa graisse de canard et son petit gratin de pommes de terre. Entre le Parmentier de perdreau Rossini et la palombe sauvage en salmis, Lionel MENARD égaye la lumière de Biscarosse.


 
 

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