PORTRAIT DE CHEF
Charles COULOMBEAU

Par Fabien Nègre
  • Charles Coulombeau
  • La Maison dans le Parc
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  • Restaurant La Maison dans le Parc

Ebroïcien landais, basketteur troisième ligne aile, trentenaire affranchi au bon sens fermier, Charles COULOMBEAU, mûri auprès des montagnes GUERARD et PRAS, émoustille le cœur nancéen par l’acuité de son ancrage lorrain dans un paysage d’enluminures nippones.  

Aux portes de la Normandie, à Évreux, prélude, le 22 août 1992, un joli nourrisson dans un univers équin. Le père, jusqu’à ses 25 ans, cavalier de haut niveau en endurance, débourre des pur-sang au haras : « J’eus la chance de monter à cheval très jeune avec mon frère ». Les alliés se lancent ensuite dans une carrière à la sécurité sociale d’où le chef de famille sortira directeur du département. Il y a plus encore, plus incandescent. Yves COULOMBEAU brandit son tablier pour des repas dominicaux festifs : « un grand gourmand avec son potager, son marché, ses dîners, son art de faire plaisir. Comme moi, il fuit la foule et le bruit, être en cuisine était une joie réelle pour lui, au calme, il ne fallait surtout pas mettre un pied dans sa cuisine sauf quelques privilégiés, j’aime ce silencieux brouhaha de la cuisine. Il y a toujours de l’activité, du bruit mais c’est une mélodie, de la musique, les casseroles qui s’entrechoquent, se cognent, le bruit d’un fouet ».
 
Dès six ans, le jouvenceau passe ses vacances estivales dans la ferme de ses grands-parents paternels, dans la campagne normande. Traite des vaches, confection des confitures lui lèguent « ce bon sens paysan » qu’il postule aujourd’hui : « Au lieu des nouvelles technologies, j’assume pleinement de regarder il y a 60 ans. Avec mes voisins fermiers, on ne parlait pas de légumes bio car tout était bio, je veux revenir aux vieilles semences, aux anciennes graines, m’entourer de la nature ». Très tôt, les visages illuminés des commensaux de la maisonnée le fascinent.
 
La cuisine produit des effets de joie métaphysique : « Mon père notait tous ses menus dans des cahiers, son lapin au chocolat. Il étudiait des livres de cuisine médiévale avec des recettes parfois immangeables, une soupe de foie nommée subtil brouet d’Angleterre complètement ratée ». Au lycée, le bon élève qui présente des facilités, transcende ou se désintéresse, touche la terre landaise, à Mont-de-Marsan, à la suite d’une mutation paternelle. L’adolescent calme qui jugule ses turbulences intérieures vise une carrière de basketteur mais il se brise un doigt en « faisant l’idiot avec des copains ». Les difficultés d’adaptation à une identité régionale forte après dix années passées à Orléans accentuent la violence du décrochage scolaire : « Je ne peux plus écrire pendant deux mois et demi ». En 2007, il intègre le lycée hôtelier de Biarritz. L’année suivante, il décroche son baccalauréat technologique haut la main. En 2010, le premier stage de commis se déroule au Relais de la Poste**, à Magescq, chez Jean COUSSAU.
 
L’apprenti ébloui par « le côté militaire » d’une brigade de trente-cinq cuisiniers en action compare aujourd’hui l’axiologie du basket à celle de la gastronomie : « transmission, cohésion, fraternité, dépassement de soi, l’entrainement c’est la mise en place, l’échauffement et le match c’est le service. Jamais de stress mais de l’adrénaline ». En 2011, il signe son premier contrat d’apprentissage, en BTS, avec les frères Xabi et Patrice IBARBOURE* à Bidart. Dans cette maison basque pointée de la rigueur du MEURICE période ALLENO, il pénètre en apprenti sur les pas d’une colombe puis gravit tous les postes : garde-manger, poissons, légumes et viandes.  
 
En deux ans et demi, entre 2013 et 2016, auprès de l’exemplaire Olivier BRULARD, « tout bon » second du Maître d’Eugénie-les-Bains, Michel GUERARD***, le tromboniste de jazz dilettante découvre un parangon qui l’aligne : « J’ai appris à cuisiner simplement sans trop intellectualiser, dans la profondeur du produit, avec une rigueur absolue, un respect de la cuisine française ». Cette manière instinctuelle de marché n’éloigne en rien de la probité quotidienne d’une vie. Il excelle tout autant à la marée que dans la découpe des chairs brutes.
 
En 2016, presque une année de chef de partie chez LAMELOISE***, aux côtés d’Eric PRAS, parachève un prodigieux cycle propédeutique dans des journées interminables en benjamin des chefs sauciers de toute l’histoire du triple étoilé bourguignon. A 26 ans, il s’envole avec sa compagne, Roxane, pour le Japon, un pays qui le bouleverse. Dans le Relais & Château Beniya MUKAYU, à Kaga, dans la préfecture d’Ishikawa, il s’instruit singulièrement de la technique de mise à mort de la pêche et des crustacés désignée par le concept d’Ikéjimé.
 
Les trois années dans la viridité de la campagne anglaise du Sussex, au Gravetye Manor* ouvrent au Acorn Award des horizons cosmopolites et une autre perception du véganisme. Le vainqueur du Taittinger Angleterre 2019 et International en 2020 rachète la Maison dans le Parc en 2021. Le cuisinier de la mer et des rivières Grand-Est la même année se voit récompensé d’une étoile. Le tennisman classé qui tire sur la corde de ses limites s’illustre individuellement sous couvert de son établissement : « Dans les concours, on est encadré, on apprend sans cesse sur soi, on réfléchit ».  
 
Le prix Tremplin du Magazine Le Chef 2021 dirige, avec raison et sans verser dans l’émotion, la seule institution nancéenne étoilée créée par Françoise et Gilles MUTEL, fondateur de Nancy Jazz Pulsations, ourlée de son parc où les écureuils saluent parfois les convives sur la vaste terrasse ombragée. Sa conception écologique globale à savoir sociétale, responsable, économique, restitue sa noblesse aux actes : « Nous créons notre bière au pain rassis mais nous faisons aussi 75 litres de soupe tous les jeudis pour les restos du cœur, 12.686 repas dans l’année ».
 
Cette charité par conviction, mouvement naturel, habite toute l’écriture culinaire qu’élabore pas à pas le Chef de l’agreste maison moderne dans le Parc : « Une cuisine libre, de rencontres, avec inspiration et rigueur, la discipline japonaise, ses assaisonnements. Mon taco au cochon et foie gras rend hommage à Enrique CASARRUBIAS* ». Avec ses provenances lorraines enchâssées dans le spectral umami, il soigne, du citrique au lactique, le marquage puissant de la saveur dans le rythme architecturé du service.
 
En montagnes russes ou en dents de scie, il voudrait bousculer le mangeur par un retour sur la texture, la lumière d’un lien, le scintillement du fil de la continuité : « Loin du mou, l’acide et le PH, la valorisation des aliments alcalins priment. Certaines protéines présentent autant d’attrait qu’une pomme de terre ou une betterave ». Charles COULOMBEAU affectionne les interactions avec la salle, l’échange ludique sur une possibilité d’accords quasi infinis : « Les cinq beurres et les trois pains sur la table ajoutent de la liberté ». Les chasseurs des environs déposent, de leurs épaules, faons, biches et autres sangliers entiers. Une heure suffira pour les dépecer. 
 
Charles COULOMBEAU, spontanément fidèle au compagnonnage avec ses confrères, entouré de jeunes talents qu’il élève pour les pousser à penser autrement, apprend, transmet un restaurant passeur de valeurs. Dans cette cuisine d’ancrages qui s’envole vers des altérités radicales, paysages nippons, épices indiennes et autres sapidités orientales, le Sud affleure au point nodal de la profondeur du goût qui croise verticalité et horizontalité. Les liminaires virevoltaient en discret losange présent avec la terrine de carotte et miso; la tartelette truite ikejime, macadamia et absinthe chinoise; la queue de bœuf soufflée et la perle de chou-fleur. Le mycélium synchronisait la truffe et le ponzu.
 
La mosaïque de langoustine et tourteau se mirait dans un lait de sureau et de coquillages. Sur le tartare de veau lorrain s’éveillait un profond texturé koyagi/caviar/anchois. Le pigeon des Vosges résonnait avec un yaourt fumé/wasabi. L’issue ténue dans une concaténation chocolat panais miso tagete à l’impeccabilité rafraichissante annonçait des mignardises joyeuses ; le chocolat butternut, la pâte de fruits à la bergamote et la guimauve à la livèche. 
 

LA MAISON DANS LE PARC

Le restaurant La Maison dans le Parc est situé tout proche de l'Opéra de Nancy et de la place Stanislas. Le restaurant La Maison dans le Parc...

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