PORTRAIT DE CHEF
Mathieu VASTEL

Par Fabien Nègre
  • Chef Mathieu Vastel
  • Brasserie Leopold
  • Thon snacké
  • Roosbeef
  • Chocomat

Vérotin circonspect, normand pincé de campagne cézanienne, second de belles maisons, Mathieu VASTEL, gouverne, aujourd’hui, l’allégorique brasserie Léopold où l’esprit parisien s’adosse à la tradition provençale pour œuvrer à la renaissance d’une bastide urbaine stylée où l’art de vivre à la française rayonne à deux pas de la fontaine de la Rotonde.

En 1986, dans le village de Ver, arrondissement de Coutances, entre mer et bocage, dans le « petit Monaco du Nord », un bambin normand de la manche écarquille les yeux. Le gamin passe des jours chanceux dans la ferme de ses grands-parents maternels, paysans à Bréville-sur-Mer non loin de Granville : « on mangeait simple mais délicieux : un vrai poulet rôti, des saumons sauce aurore, une salade de tomate mythique au vinaigre de vin et oignons ». Le garçonnet va chercher de la crème fraîche chez un « petit grand-père » du coin, du beurre fraîchement baratté chez un autre voisin. Il se frotte aux corvées de la métairie, cidre et cochon, au beau milieu des poules et des génisses.       
 
Le foyer ne baigne pas dans le faste mais l’enfant pousse « dans le partage des grandes tablées ». La mère accueille en toute humanité des enfants de la DDASS. Le père s’adonne au métier ardu de peintre en bâtiment. Avec son fils et ses amis, il se livre à la fête rituelle du tue-cochon : « c’est ce qui m’a fait aimer la cuisine, le boudin chaud dans la convivialité ». A treize ans, fort loin de l’institution scolaire, l’adolescent file en apprentissage car il « a toujours voulu être cuisinier ».      
  
Il déboule, en alternance, dans des MFR, les maisons familiales rurales, réseau associatif méconnu pour l’éducation des jeunes depuis 1937. Toute formation solide commence par la plonge dans la première où un couple d’agriculteurs arpente les marchés locaux, canards sous le bras, élevés, gavés et tués par leurs soins. En parallèle, le jeune homme volontaire passe sa semaine dans un petit restaurant baptisé « l’Hôtel de la Gare », à Gavray-sur-Sienne. Les journées ressemblent à des essoreuses labyrinthiques interminables mais le vaillant veut « gagner sa vie pour se payer sa mobylette ».
 
En 2000, les choses sérieuses bondissent dans les environs à l’Auberge du Mesnil Rogues, propriété de Monsieur COTENTIN - cela ne s’invente pas. Là, le chef exécutif titulaire depuis 1984, Yves TOQUET, - cela ne s’imagine pas non plus -, lui enseigne « le goût du terroir au cœur du bocage normand dans un ancien presbytère bien restauré ». Ce maitre d’apprentissage lui transmet ses trésors : les fonds de veau et de volailles, la tendreté du pied de cochon et la tendresse pour les abats, la véritable omelette norvégienne flambée qui conjugue la fraîcheur glacée à la douceur moelleuse de la génoise : « un précurseur du sous-vide, organisé et structuré ».
 
En 2001, le dégourdi obtient son CAP à l’Ecole Hôtelière, d’Agneaux, dans l’agglomération de Saint-Lô. Mathieu VASTEL explore tout le circuit des postes : réception, légumerie, grattage des saumons fumés dans la cheminée, taillage des garnitures, mise des cochons entiers en saumure puis à la broche. Après cette simple régalade jamais première rigolade, le curieux de la capitale rentre, dans le 15ème, chez Clément, sous l’autorité de l’éducateur cherbourgeois Bernard LEPRINCE MOF 1996. Charmé par les casseroles en cuivre pendillées, le commis repéré le suit, en 2003, pour la réouverture de La Marée*.
 
Dans cet établissement couru de la rue Daru, aux délices iodées et au livre de cave bien garni architecturé jadis par Jean-Luc POUTEAU, Meilleur Sommelier du Monde 1983, l’aspirant engloutit ses fiches techniques au cordeau, peaufine son fumet de poisson, ses pièces de turbot entier : « artichauts tournés, pommes darphin, dans cette brigade aguerrie venue de la Tour d’Argent, auprès du chef Samuel Le Torriellec, je faisais des petits beurres blancs montés minute au noilly Prat, des cuisses de grenouille févettes et tomates ».     

En 2004, les saisons l’allèchent. En 2005, auprès de Ronan Kermen, ex TOPCHEF Saison 2 (2011), il joue des coudes dans la première équipe du PANORAMIC. La même année, il inaugure le KUBE Saint-Tropez habillé de son tendance bar de glace, doudoune en descente, remontée peu garantie. Fidèle au chef aixois de Côté Cour, il l’épaule dès le baptême de son établissement puis y demeure quatre ans. Il remonte à Paris, ensuite, au Prince de Galles, sous la férule de Stéphanie LE QUELLEC : « c’est la cheffe qui m’a le plus marqué, une très grande par son toucher exceptionnel, sa capacité à s’entourer. En deux ans, nous avons gagné deux étoiles grâce à des chefs comme Guillaume Goupil ou Fabien Rouvier».    
 
En 2018, le bras droit de Julien Legoff, au Saint Estèphe*, dans les Lodge de la Sainte-Victoire, situés au Tholonet, petite commune de la route Cézanne, aux portes d’Aix-en-Provence, l’accompagne durant sept ans : « la cuisine provençale m’a transformé, plus riche et diversifiée que la normande classique qui reste une belle cuisine de grand-mère au beurre mais la cuisine à l’huile d’olive est la meilleure du monde. Je découvre les produits provençaux dans une excitation totale : les aubergines, les tomates, la soupe de poissons, les petits farcis, la panisse et la farine de pois chiche ».
 
Depuis le 3 juin 2025, le Chef des cuisines du Léopold, s’exerce au « simple et bon mais pas gastronomique », pour honorer la tradition du chou farci, des quenelles de brochet ou juste « des bulots mayo ». Il ambitionne de respecter les bases, des potages, un velouté Dubarry, un coq au vin, un bœuf bourguignon dans l’esprit d’un lieu où planent des âmes : « la bonne brasserie mélange les pieds et paquets, le foie gras et les escargots bourguignons au beurre persillé ». Les exquises goujonnettes de Merlu croustillent à l’heure apéritive. Le rosbeef roule, finement tranché, dans une vive sauce tartare.

Le thon snaké avocat frôle tout en douceur texturée. L’Œuf meurette et ses croûtons tutoient un crémeux épinard. Dans une autre traduction, le cœur de saumon mariné trône dans un onctueux œuf truffé. Le pâté en croûte maison se pique aux pickles. Une bisque tomatée cajole la langoustine rôtie, relevée par un bouillon citronnelle. La linguine au homard et son consommé du même prince des crustacés l’empochent dans un élan de pure simplicité, allant de la profondeur du goût.
 
La quenelle de brochet façon Nantua le dispute à la sole meunière au beurre noisette. Le poulet aux morilles et vin jaune toise le Chateaubriand Rossini, sauce madère. Dans l’alacrité dominicale, le partage d’un ris de veau aux tomates rôties, d’une côte de bœuf maturée et os à moelle farci ou d’un loup sauvage entier sauce hollandaise délie les langues et les esprits. Le friand millefeuille crème vanille étire le temps d’une méditation en terrasse ombragée sur l’Avenue Victor Hugo.
 
 

BRASSERIE LEOPOLD

Au coeur d'Aix en Provence, l'hôtel Saint Christophe a installé la Brasserie Leopold pour proposer une cuisine française de tradition. La cuisine de la...

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