Guillaume LEVASSEUR

FABIEN NÈGRE
Enchanté parisien pur muscovado, exact villeparisien robuchonien, Guillaume LEVASSEUR, d’une rare fidélité à Frédéric SIMONIN, dans son secret labyrinthe de justesse émotionnelle, pâtisse l’équilibre invisible de ses douces architectures éphémères dans les plis, les branches et les orbes cristallisées du réel.
 
En 1986, dans le onzième parisien, un incipit talpidé perce la surface. Le lacis du nœud borroméen de l’enfance éclot à Villeparisis. Les aïeuls, à la soulane ou à l’ubac, jardinent le sol. La grand-mère maternelle, bien nommée « mamie gâteau » réalise de simples et exquis marbrés vanille et chocolat, des tartes aux pommes caresses de joue, des œufs à la neige de bonté, merveilles aux œufs frais du jardin. Autre point d’orgue de félicité : la tatin. « A peine sortie du four, on allait dessus tout de suite, crème épaisse, pâte brisée. L’intensité des souvenirs sucrés sans cesse présents dans la conscience ».
 
L’autre, dans l’Oise, surnommée « mamie-lapin », élève ses léporidés médaillés au concours du Salon agricole : « C’est une famille gastronomique ». Le goût salin affleure déjà aux bords des lèvres, chez l’oncle et la tante maternels. Le premier gouverne son restaurant de l’Hôtel de Ville, traditionnel presque gastronomique, en face de la mairie d’Aulnay-sous-Bois. La seconde brique son zinc à Crouy-sur-Ourcq. Dès huit ans, le petit bec de cassonade, goulu gourmand, se rue, tous les dimanches, dans les cuisines des deux établissements : « Très jeune, on tombe dans le sucre ».
 
A 10 ans, le garçonnet se place déjà sur les traces avunculaires : « j’adorais cette ambiance, luxueux sans rentrer dans le luxe, élégant sans ostentation ». A tout juste 14 ans, l’adolescent bon élève titré du brevet des collèges, requiert de ses parents d’entrer illico en école hôtelière pour ne pas « perdre de temps ». Par dérogation et sur épreuve éliminatoire, l’élève cuisinier déterminé intègre le CFA MEDRIC, dans le 17ème : « je me retrouve en cuisine car je veux être cuisinier ». Un autre obstacle émerge : trouver un employeur.
 
Dérision du destin, boucle éternelle de l’amor fati : le jeune homme se présente au restaurant de poissons Le Beudant, rue des Dames, dans le 17ème. En 2001, la féroce entrée en matière se trame sous les mystères du gynécée avec la cheffe Marie-Laure DELTOUR. Au volcan d’une brigade exclusivement féminine, l’aspirant aux entrées bascule vite aux issues. Dans cette éblouissante pédagogie, les desserts s’ordonnent en liminaire. La pâte fluide du clafoutis aux cerises noires se coule au moment. Les tartes aux pommes se feuillettent à la minute : « aller très vite, en direct, une formation essentielle. Avec ces femmes, j’ai stressé mais j’ai appris le traditionnel français, de la daurade aux pommes de terre rissolées ».
 
Le mousse perdure au salé dans le même établissement où le niveau s’élève en technicité auprès du chef Dominique HUBERT, nouvel acquéreur. Il valide un BEP Salle au Bourguignon du Marais sous la direction de Jacques BAVARD : « Une autre vision. Tous les cuisiniers devraient passer en salle et tous les serveurs en cuisine ». A sa majorité à peine touchée, placé sur la recommandation du vigneron de Puligny-Montrachet, le bleu déjà affranchi s’embringue dans l’Atelier de Joël ROBUCHON, rue du Bac, dans le beau 7ème qui jouxte la Seine.  
 
Les capitaines ci-après, Éric Bouchenoire, Éric Lecerf, Philippe Braun, ne badinent pas avec l’aiguillon du labeur mais le royaume des produits frais et de luxe subjugue. Là, dans l’arrière-cuisine, les passages récursifs devant les pâtissiers ébranlent le novice : « j’ai adoré l’ambiance heureuse, la rigueur et la minutie, mon regard émerveillé, je voyais le sucre, la beauté du geste, les soufflés pistache chartreuse, les fruits du dragon ». Le mitron en devenir observe le brillant Vincent Zanardi ensuite appelé au Club londonien 5 Hertford Street, alors chef pâtissier et oublie ses heures : « Le dressage avec des sorbets me fascinait, il pochait une meringue rose pointée ».
 
La poésie souple et velouté de la suavité l’escorte tout droit vers la mention complémentaire « desserts de restaurant ». A la Table de Joël ROBUCHON, avenue Bugeaud, le commis flanqué chef de partie franchit tous les caps, gagnant la confiance de François Benot et de Renaud Baconnais, respectivement chef pâtissier et second. Dans la sévérité structurée de la vitesse d’exécution, dans l’organisation de la mise en place, il apprend à transfigurer une œuvre en chef d’œuvre : le chocolat Manjari 64% et les fruits, les assemblages et les formes.  
   
Depuis quinze ans, aux côtés de Frédéric SIMONIN, MOF2019, il expérimente, chaque jour, une filiation profonde : « Quand on monte en excellence, on veut y demeurer ». Le ravi qui affectionne la quiétude de la continuité et la solitude de la réflexion sur la genèse d’une création transporte des classiques dans le monde gastronomique. Une croustillance légère maintient la forme. Les tranchés de matière affinent le cœur. Le fruité d’un sorbet apporte autant de fraîcheur que le croquant acidulé.
 
Guillaume LEVASSEUR, en tendre gentil, débusque la crémosité secrète de la douceur, l’onctuosité d’un crépuscule estival dans une liqueur de café. A l’aube de sa quarantaine juvénile, il chasse la sucrosité qui masque ou dissimule : « je ne fais pas de gâteaux mais des pâtisseries, des architectures éphémères, des associations de goût et non des desserts ». Dans ses équations de rêverie multi vectorielles, il quête « la simplicité, l’étrange évidence : le beau sans en faire trop ».
 
 
La pistache iranienne, en parfait glacé, se strate de cassis sur un biscuit au Kahlúa. Le litchi émulsionné à l'eau de rose accolade la meringue au confit de framboise. Le miel mille fleurs de garrigue cascade sur un biscuit croquant au miel et mousse de yaourt, crème glacé verveine-galanga. Le praliné noisette, crémeux et texturé, chuchote à la gelée et au sorbet d'orange safrané. La banane tendre et croustillante acidulée aux fruits de la passion et rhum ambré, déroute le sorbet dix saveurs.

Restaurant Frédèric Simonin
25, rue Bayen - 75017 Paris

 

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