Tessa PONZO restaurant IRWIN

FABIEN NÈGRE
 
Affidée affirmée, sensible drômoise de Saint-Maurice-sur-Eygues, entre oliviers, vignes et lavandes, Tessa PONZO se distingue par une diaphane inventivité subtile, une délicate oscillation entre émotion texturée et minutie désucrée.    
 
Dans le Vaucluse, à Orange, éclot une enfant unique résolue qui ne connaîtra pas la Cité des Chorégies pour grandir dans un autre chant, la lumineuse Saint-Maurice-sur-Eygues, entre Tulette et Nyons, dans cette Drôme provençale aux parfums entêtants, au pied du Mont-Ventoux. Les « merveilleux moments » avec son arrière-grand-père paternel qui pâtisse en amateur architecturent la mémoire gustative de l’incandescence : « il faisait des gâteaux au chocolat immense sur trois étages, des croquembouches, des énormes tartes aux pommes, j’ai même gardé son moule à tarte, et des îles flottantes inouïes ».
 
La bousculade en bouche sucrée procède de l’amour du travail dans son essence même. Les grands-parents paternels, vignerons, emmènent leur petite-fille, aux vendanges. La sensation de la matière éperonne. A 5 ans, la gamine convaincue, singulière et sérieuse, demande à son père, indéfectible soutien, vinificateur dans une cave coopérative, de devenir pâtissière chocolatière. La bonne élève, au grand dam de ses enseignants, se déroute bien vite de la voie scolaire en fin de troisième. Dans un brûlant désir de s’émanciper du cocon familial, la captivée lyrique pousse les portes de l’Ecole Hôtelière Anne-Sophie PIC, à Toulon, afin d’obtenir un Baccalauréat professionnel pâtisserie boulangerie.
 
Là, deux « merveilleux professeurs » la convertissent : Jean-Marc Vareil et Jean-Pierre Meignaud. Ces « chefs de cœur » formateurs lui enseignent tous les gestes fondateurs de la pâtisserie traditionnelle française :  faire une pâte à chou ou un caramel à sec, foncer une tarte, glacer un éclair, monter un entremet, écrire au cornet. La vigoureuse écorchée vive à la sensibilité intaillée, rencontre un monstre : Éric Verbauwhede, Chef pâtissier du Groupe PIC. La pointilleuse passionnée veut gagner le haut niveau sans faire de boutique mais de l’assiette avec la fièvre du service et son adrénaline.     
 
La fondue de gâteaux débarque au Daily Pic avec François Josse et Baptiste Sirand lors de l’accélération de Noël : « J’ai vu cette cuisine toute blanche, ces miroirs au plafond, j’étais émerveillée ». A la suite de son stage, entre la seconde et la terminale, Arnaud Donckele la rappelle pour œuvrer à La Vague d’Or, à la Résidence de la Pinède : « Ce grand monsieur, chef merveilleux, homme bouleversant m’a beaucoup marqué ». Aux côtés de Guillaume Gaudin, à 16 ans, l’apprentie vit l’intensité folle du dessert, la pâtisserie cuisinée : « Une seule garniture, des fraises des bois pochées juste dans leur jus accompagnaient un dessert comme un poisson ou une viande ».
 
En 2016, la lycéenne qui aime les jus purs qui apaisent le palais se souviendra longtemps de l’équipe de feu de la Pinède orchestrée par Thierry Di Tullio. Titulaire d’un baccalauréat professionnel boulangerie et pâtisserie, l’ambitieuse brosse tous les compartiments du métier :  mention complémentaire chocolaterie, glace et confiserie spécialisée, dessert à l’assiette. En une année, chez Barry, à Ollioules, dans ce village magnifique et coloré, la force de proposition en apprentissage dévoile ses entremets avec Joseph Rossi. Immergée dans les créations de boutique, la jeune femme emmagasine des vrais savoirs : cuire un biscuit, créer un praliné ou une meringue.
 
En 2018, l’amoureuse de ses fontaines sous les platanes, de ses collines des Baronnies, encouragée par son meilleur ami, accède aux grandes maisons parisiennes. Jimmy Mornay, Chef pâtissier au Pur auprès de Jean-François Rouquette, restaurant étoilé du Park Hyatt, repère tout de suite son talent. La discrète bosseuse passe quatre années de rêve auprès de Tarek Ahamada. L’ardente enthousiaste évolue sur tous les postes : pièces miniatures de l’heure du thé, dîner gastronomique, fournée du matin, room service, taillage de fruits. Lassée de l’ombre, la jeune femme vogue vers le Marsan**, chez Hélène Darroze, pour s’identifier à une femme : « Quand j’ai commencé en pâtisserie, j’étais l’une des seules femmes, il n’y avait que des hommes dans le métier, je devais travailler deux fois plus pour gagner ma légitimité ».      
 
Auprès du chef pâtissier écossais Kirk Whittle, directeur de la création sucrée du Groupe, l’éprise du goût du produit, les solaires figues de Solliès, s’initie dans une cuisine ouverte de partage et d’émotion. Dans ce contexte qui valorise les femmes, l’hypersensible s’épanouit dans « l’amour, le dévouement et le travail ». Le Chiberta la reçoit, en première impulsion, pour son sens de la création. Irwin Durand lui attribue carte blanche pour dessiner son univers : « je ne me range pas dans une case. J’évolue dans ma tête et dans ma vie. Je cherche et je me cherche, je ne sais jamais où je vais marcher ».  
 
En 2025, la cheffe pâtissière d’Irwin DURAND confie : « Mes premiers desserts viennent à 100% de mes entrailles ». L’esthète acute, dans la finesse de son nuancier, recherche des produits inconnus, des associations inédites : « j’adore la recherche et développement, je torréfie des coques d’amande, je fume de la vanille avec des baies inconnues et des poivres lointains ». Celle qui se sent en osmose absolue avec son Chef joue de la complémentarité des techniques croisées à l’instar de son travail sur l’artichaut ou le chocolat. L’ex cheffe pâtissière de Lasserre rêve de se ressourcer aux fondamentaux pour les subvertir.   

Restaurant Irwin
22, rue Cambacérès  - 75008 Paris

Juin 2025

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