DENIS COURTIADE : DIRECTEUR DU RESTAURANT « ALAIN DUCASSE AU PLAZA ATHENEE »

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Fonceur suresnois, héritier d’une lignée de restaurateurs parisiens, chaleureux vetula-domussien «Trophée Jacquart 1991», président de l'association «Ô Service - des talents de demain», Denis COURTIADE, vaillant ingambe «Meilleur Directeur de Restaurant du Monde 2011», assidu ducassien depuis un quart de siècle, élève, au firmament de l’excellence française, l’établissement international de l’Hôtel Plaza Athénée, sis avenue Montaigne, haut-lieu de la haute couture.
Par Fabien Nègre

Fonceur suresnois, héritier d’une lignée de restaurateurs parisiens, chaleureux vetula-domussien «Trophée Jacquart 1991», président de l'association «Ô Service - des talents de demain», Denis COURTIADE, vaillant ingambe «Meilleur Directeur de Restaurant du Monde 2011», assidu ducassien depuis un quart de siècle, élève, au firmament de l’excellence française, l’établissement international de l’Hôtel Plaza Athénée, sis avenue Montaigne, haut-lieu de la haute couture.

A Suresnes, le 3 aout 1966, une famille hôtelière reçoit un gourmand bambin. Le père, tient, en gérance, «Les étoiles», avenue Carnot, dans le dix-septième. Dans ce bain de restauration, le grand-père paternel œuvre à la Direction du personnel du CLARIDGE et du RITZ. Un oncle, chef barman réputé à l’ASCOT, un autre influent concierge pendant vingt-cinq ans au Grand Opéra parachèvent le tableau. Après une douce enfance, à l’adolescence, le garçon volontaire réfléchit à son orientation de vie.

Les parents s’installent dans la rue du grand sauvage, à Vieilles-Maisons-sur-Joudry (Loiret), car ils détiennent une résidence secondaire à Orléans. «Perdu en pleine campagne, dur à vivre». Le juvénile trimeur ne ménage pas sa peine dans l’antre familial : garniture, dressage, plonge, cocktails. Le volumineux service des autocars. «Je voulais rentrer en apprentissage pâtisserie car je fabriquais des gâteaux, l’après-midi, et mon père les vendait au restaurant le soir». Une vocation s’amorce : «faire à manger à mes parents, m’occuper des autres, le plaisir du client».

La scolarité déroute, la réalité aiguise le sens des mathématiques. «J’avais 18/20 en entreprise et à l’école quand j’ai appris que, dans une bouteille de champagne, on pouvait faire sept coupes». Entre 1982 et 1985, apprenti puis commis à l’« Auberge des Templiers »**, à Nogent-sur-Vernisson, une véritable maison traditionnelle, le drôle sensible au grand cœur à l’instar de sa filiation maternelle, s’initie à la rugosité du labeur, la tête dans le guidon.

Doté de prédispositions physiques de sportif performant (football, vélo, ping-pong), entre 1985 et 1986, au « Shoppenhangers Manor »*, dans le Berkshire, en Angleterre, Denis COURTIADE devient « Chef d’un rang ». Son destin permute en destinée. Son énergique sens de l’interaction provoque une cohérence des rencontres. Pour s’émanciper, l’aspirant au «Cercle des Officiers de Versailles (1986-1987)» passe une saison avec Patrick HENRIROUX à « La Ferme de Mougins »*. Une «romance incroyable» avec une jeune femme le plongera dans une «aventure américaine», à Orlando.

De retour, son oncle l’intègre, en «extra», aux banquets du «Grand Hôtel Intercontinental Paris Opéra». En service perruqué, l’ambitieux découvre la rémunération quotidienne avec des liasses remises, en mains propres, par les maîtres d’hôtels. «Bien des efforts pour si peu de billets». En 1988, avec Christian MORISSET, chef «spécifique» de « La Terrasse »* et les frères BARRACHE, créateurs en 1931 du très sélect « Club de la Mer » et du fabuleux « Hôtel Juana », à Juan-les-Pins, l’ardent boutefeu passe «une saison très difficile».

En 1991, la finale, à Reims, du «Premier Chef de Rang de France», l’émeut. Après les rudes épreuves écrites du matin, survient le déjeuner, ses découpes du Bar et du gigot d’agneau pour six, la science des garnitures, la reconnaissance des fromages, la maîtrise du service des crêpes Suzette, la délicate desserte des vitoles et des cafés en milieu hostile. «J’ai cru que je n’y parviendrai pas, j’ai usé de mon recul humoristique, ma sympathique décontraction naturelle».

Avec une pugnacité hors-normes, le titulaire d’un CAP architecture un discours en harmonie avec lui-même. Ses essais, des chances de dépassement. Ses élans, la valorisation d’un métier trop méconnu. «Nul besoin de diplômes pour faire une grande carrière». Depuis le 25 septembre 2000, exemplarité d’une humilité déconcertante à la tête d’un trois étoiles parisien, en «binôme fair», l’ancien « Directeur du restaurant » (1995-1996) du « Club Monte's », à Londres, puis « Responsable de Salle » du « Restaurant Alain Ducasse » *** - avenue Raymond Poincaré (1996 – 2000) acquiesce parfois avoir «vécu des enfers» mais toujours maintenu sa plus haute idée des résidences éternelles.

«Il existe des maisons intemporelles, des lieux, je voudrais que ce restaurant dure et perdure dans le temps, je voudrais que ce restaurant me survive, habité avec une âme qui s’exprime, je suis inattaquable sur 99% des sujets». Ce discipliné de fer et de feu insiste d’une policée courtoisie aussi sereine qu’enthousiaste : «Pour qu’une histoire soit belle, il faut qu’elle soit durable. Je devance sans cesse ma fonction mais également les espérances de mes clients ainsi que celles de mon équipe en vivant avec mon temps».

La maestria d’un grand directeur de salle maintient son sang-froid en toutes occurrences. «Une réponse à tout et sur tout, j’ai la finalité du final cut». Tant que le client, à ne jamais sous-estimer, habite l’écrin, les jeux tournent. Une erreur, un café en trop, une perception droit-dans-les-yeux, un détail bouleverseraient la vérité étincelante de la scène. En 2011, l’Académie Internationale de la Gastronomie nomme Denis COURTIADE « Meilleur Directeur de Restaurant du Monde ». Seuls quelques happy few s’enorgueillissent de cette suprême distinction : Diego MASCIAGA (The Waterside Inn, Londres), Juli SOLER (ex-El Bulli), Umberto GIRAUDO (La Pergola, Rome) ou plus récemment Jean-Jacques CHAUVEAU (Le Pré Catelan) en 2013.

Le «Grand Prix de l'Art de la Salle» récompense «une personne qui a porté au plus haut niveau la qualité de la salle, du décor, de la réception, du service et de l'accueil au sein du restaurant». Ce prestigieux titre distingue le «Meilleur Directeur» parmi tous les directeurs de restaurants 3 étoiles Michelin du monde. En 2012, sautillant, l’ancien maître des cérémonies à « La Belle Otéro » (1989-1991), au « Carlton Casino Club » de Cannes, lance l’association « Ô service des talents de demain ». L’« Ô » symbolise le rythme.

« Service » forme l’essence du métier. « Talents de demain » souligne la « génération Courtiade ». Afin de «couper court aux egos pour valoriser sa profession par une discussion générale loin des chefs et des journalistes», le Président montre l’émergence du statut contemporain de la noblesse du maître d’hôtel, ancrée dans le «service à la française». Scénographe d’un lieu, styliste des arts de la table, chevronné en valorisation, Denis COURTIADE offre des marques d’attention par une gestuelle nouvelle davantage ancrée dans une expérience totale de la corporéité.

L’art de l’attention requiert une tension yogi de tous les instants, une sensibilité tout en sincérité, une implication humaine par des techniques évolutives, une pré-organisation des découpages, un art des gestes à réinventés. Auparavant, le mangeur s’adaptait à l’établissement. Aujourd’hui, les forces agiles imposent la contraposée. L’homme de salle diffère du dandy de salon. Polyvalent, cosmopolite, funambule, il tient deux discours distincts sur le même sujet avec un seul couple. «L’homme de salle est un miroir». Dans le renvoi de l’image, le psychologue des profondeurs de l’épaisseur humaine règle les délicates affaires des effets.

«J’offre à mes hôtes-amis ce que je suis, une somme d’expériences et d’expertises qui produit une méthodologie». Denis COURTIADE ouvre le chemin par un savoir habité, un style, une prestance, un charisme juste. Mature pour transmettre, il veut «impacter des jeunes avec une minuscule graine». Son seul succès : «Monsieur, j’ai travaillé pour vous». Toutes les semaines, reconnaissant ad vitam aeternam, l’amoureux de la diversité culturelle téléphone à Alain FRANCOZ, ex-directeur à « l’Auberge des Templiers ». Une leçon de fidélité admirable.

«Donner non pour reprendre mais pour continuer, pour la vie, échange et filiation». L’agile superviseur ne prédétermine rien, épanouit des styles, trop respectueux des métiers du beau geste mais aussi de la gestuelle, la vérité d’une scénarisation. «Jamais de montre pour un homme de service» déroule l’auteur de la formule essentielle : «quand le client s’éloigne, tout commence». De l'autre côté du perron, ne jamais se relâcher par tact. «Je suis un concierge de luxe, un homme de service, jour et nuit, comme un médecin. La notion de service outrepasse tout cadre professionnel. La bise d’une clientèle indique la vraie reconnaissance. Elle récompense un travail de soi sur soi, une envie d’accueillir».

Le professeur regarde dans les yeux. «Tout se joue dans la première minute, à l’image d’une rencontre amoureuse». Le plan des tables, appris par cœur le matin, varie sans cesse, bouleverse la donne de chaque service. L’alerte manager de demain confie : «Le client est chez lui chez nous». Dans sa prise de commande, toujours une prise de risque, le maître de la desserte dialectise les équilibres, abolit les tiraillements. «Tels des Ying et des Yang, nous jouons des harmonies d’interdépendances ».

Le ductile amateur du ballon rond repousse les limitations de la mise en scène par l’invention d’une beauté d’âme, un amour de la profondeur de l’abord. Régler le kairos de la distance par une acuité perspectiviste digne de Baltasar GRACIAN afin d’éviter la glace voire la glaciation. Découvrir des mots pour exprimer loin de «l’énonciation ânonnante». Tout gravite autour des savoirs pratico-théoriques «à la française» : faire, être, écouter, respecter, donner, se remettre en question.

Cette historicité dévoile une philosophie du quotidien qui veille à l’équilibre et l’harmonie des interactions avec les hôtes et mes adjoints. Denis COURTIADE, en responsable accompli, porte l’hexis à son acmé. Par-delà nos acquis et nos offices, «la construction d'une personnalité passe par l'accomplissement d'une succession de devoirs : devoir d'éducation, d'exemplarité, d'enthousiasme, d'endurance». Un tempérament se forge dans l’observation méticuleuse des aïeuls. De ces «Anciens» proviennent les valeurs, bienveillance, tolérance, plaisir, humour, générosité, respect, honnêteté, loyauté, rigueur, performance.

La transmission impose une interrogation sur sa destination et ses modalités. Le monde fait mouvements, les attentes le transforment. «Le rapport au travail n'a jamais été aussi complexe. J'aime extraire, de chacun de mes assistants, une qualité». Une éthique de vie émerge. Les traditions esquimaudes ou touarègues montrent que l’hospitalité surgit dans la survie. Pour Denis COURTIADE, «elle fonde un devoir moral. Dans l'Antiquité, l'hôte qui survient est un bienfait des Dieux et, avant même de lui demander qui il est, on lui offre un repas de fête».

L'hôte, en latin et en grec, comme dans la plupart des langues, signifie tout à la fois «celui qui reçoit» et «celui qui est reçu». L’art précis de recevoir, selon le maître du Plaza, résulte de «la somme des savoir-faire que nous mettons en œuvre afin de faire vivre des émotions au coeur, au corps et à la tête de nos hôtes». L’acte de toucher tous les sens écrit une histoire sublunaire holiste. «Je ne sers ni à gauche, ni à droite, mais seulement et uniquement du bon côté». En acceptant la pluralité des logiques visuelles, l’enchantement du personnel égale celui du convive.

En sportif de l’excellence, Denis COURTIADE s’entraine, tous les jours, à une ascèse des conduites. Garder par devers soi une affirmation solaire, une bonne humeur souriante, une bienveillance magnifique suppose l’esprit d’une loyauté presque rugbystique. «Nous ne sommes pas une équipe mais nous travaillons en équipe». De cette vigie naît un équilibre par où le leader se transforme en guide, lequel indique le sens de la théâtralisation. Toute salle dessine une scène des miroirs de la vérité.

Remettre en question la représentation à chaque service, inventer les codes, les jouer puis les rejouer en les déjouant dans un virtuose jeu virevoltant, repérer rapidement et brillamment la typologie de clientèle : autant de niveaux ontologiques acquis par le guetteur du siècle à l’affut des évènements. «Le plus grand service, invisible, ne se remarque pas» telle une douce pénombre, une secrète brise côtière imperceptible. L’humour, parfois, ce bel outil, provoque une empathie subtile et désacralisante. «Un inaccessible esquisse un sourire, là réside notre victoire intime».

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