Jean-Jacques CHAUVEAU : Directeur du restaurant Le Pré Catelan

PAR FABIEN NÈGRE
Dans la futaie sauvage, rayonnant charismatique, simple lumineux "Meilleur Maître d'Hôtel du Monde 2013", gracieux pèlerin des chênes rouvres, calme somptueux de la rivière sinueuse, Jean-Jacques CHAUVEAU supervise, depuis 35 ans, avec une maestria d'aimable gentilhomme transfigurée en art esthétique altruiste de civilisation clémente, Le Pré Catelan, lieu-dit en souvenir d'un séduisant Capitaine des Chasses de Louis XVI jusqu'aux frises sculptées par Caran d'Ache près du hêtre pourpre bicentenaire.

A Couffé, le 9 juin 1957, au pays de François Athanase DE LA CONTRIE, qui commanda les armées catholiques et royales, en Loire atlantique, non loin de Nantes, perce un loyal magnifique. Au Château du Général, l'arrière-grand-mère maternelle se charge de l'intendance. «Excellente cuisinière connue dans toute la région nantaise». A l'image de la série «Dowtown Abbey», avec un père secrétaire de Mairie, Jean-Jacques CHAUVEAU, élevé dans un sentiment de dévouement à la réalisation de «grandes choses», dans une maison aristocratique à la mode britannique, se souvient encore du «canard à la duchambais», des jeux de cartes où le vainqueur remportait un pot de confiture à la framboise sauvage.

Les parents enseignent une forme d'égalité, une vie simple, authentique et rurale qui «raccroche et rattache à la terre».
Une grande carrière dans la restauration se configure dès l'enchantement de la gourmandise ancrée. «Résolument ». Entre champs d'artichauts et de choux fleurs, les promenades sur les plages, de Pornichet à La Baule, accompagnent une scolarité à Ancenis, bourgade plus étoffée. A 10 ans, le marin en devenir, n'a qu'une seule envie : «aller au contact de la plus haute gastronomie, à Paris où tout se produisait à l'époque». Après la seconde, en 1973, le Brevet de l'Ecole Hôtelière de Paris Jean DROUANT éclaire tout. «Je suis rentré en religion de restauration». Trois de ses frères épouseront l'éducation nationale.

Après la jubilation des expériences modestes des produits régionaux d'exception vient le temps de la joie de la découverte du grand champ de l'élite du goût. En 1976, l'officier de marine améliore sa polyglossie : anglais, allemand, espagnol, italien courants. «Faire ses armes, arpenter les territoires, apprendre les langues, savoir toutes les cultures et les styles pour revenir plus puissant dans sa patrie parisienne. Rayonner pour découvrir le monde». L'assistant Maître d'Hôtel à «Sopwell House» Cotton Mill Lane, à Saint-Albans-Hearts, en Angleterre, monte vite en puissance, passe, en 1977, Maître d'hôtel au restaurant «La Tour» à Indianapolis.

«1978 : l'âme américaine à travers le Middle-west, je me paye le luxe d'un tour intégral des États-Unis de deux mois en Greyhound». Le globetrotter haut la main, peu banal bourlingueur, atterrit à Francfort-sur-le-Main, en 1979, à l'Hôtel Intercontinental. Jean-Jacques CHAUVEAU donne son service à la nation au 76ème Régiment d'Infanterie de Vincennes dans la foulée, avant ses fiançailles chez MAXIM'S, «un mythe césarien».
Dans ce noble métier d'entregent, de délicates affaires humaines où se construit, pas à pas et pour la vie, une relation intense avec des dineurs hors du commun qui vous enrichit, vous grandit, le jeune Maître d'Hôtel arrive au Pré Catelan en 1980.

A 27 ans, grâce à son aisance linguistique, au mérite et à titre exceptionnel, Jean-Jacques CHAUVEAU grimpe «Directeur» ipso facto. Dans ce Relais de chasse à la campagne, à deux enjambées de la Capitale, l'élégant et drôle «Docteur en Management de la Restauration» de l'IEMI, 34 ans plus tard, s'en étonne encore : «La vie décide souvent. La belle histoire du Pré Catelan : j'ai connu toute la Famille LENOTRE pour une aventure phénoménale, une clientèle émouvante que j'ai construite, chaque jour. Des rencontres plus magnifiques les unes que les autres : Salvador DALI, Orson WELLES, Marcello MASTROIANNI, Yves MONTAND, Burt LANCASTER et les vivants comme Kirk DOUGLAS, tous les patrons du CAC 40 qui ont tous réalisé de très grandes choses, viennent nous rendre visite dans un écrin. Au contact de ces gens simples et merveilleux, je m'élève. Jamais de problème dans cette magie, un abandon total, une confiance inouïe, une parenthèse d'exception amicale dans une forêt. Je suis invité dans le carré familial de mes clients».

Le boulonnais en paix, sportif de haut niveau, ressent une direction de vie, «un appel, une conversion». Faire de sa vie une oeuvre d'art en artiste, devenir le poète de sa propre existence, autant de sculptures quotidiennes de soi pour servir l'autre. «Mon espoir de passage sur terre est une vie de service sur tous les plans : famille, travail, pays, ordres mendiants». Dans cette position d'humanité et de charisme, l'étoile d'or SODEXO 2013 enseigne à son équipage une archéologie du geste, des généalogies de la gestuelle. Le cheval de bataille du diplômé d'honneur du Club des Cent 2012 déborde en permanence la technique pour devancer l'aspect humain et psychologique.

«Deviner ce que chaque client vient chercher. J'ai de l'affection pour mon client». Le Bernache d'Or 2008 pratique une religiosité sans sacré, une profondeur de l'existence. Peuplé d'un désir de dépassement, l'homme bon de 58 ans aime l'humain et l'humanité. Cette fonction magistrale réclame une remise en question systématique et permanente afin d'entretenir un esprit de victoire qui souffle sur la conquête du monde. Le cavalier exercé aime les contrées inconnues et les défis ambitieux. Dans un métier exposé, les métiers de la salle qui forment un art autonome, montent en gamme intellectuellement pour prendre de l'altitude.

Former impose de révéler des beaux appétits cachés et parfois même enfouis. «J'essaie d'accoucher des ambitions, d'élever par le respect qui permet de réaliser des actions. Soyez ambitieux, viser haut en bannissant tout égoïsme». Fier de sa carrière, la médaille d'or d'honneur du travail porte haut les avancées de la profession, la formation des apprentis. «Je veux que les jeunes deviennent de belles personnes». Le Capitaine de Frégate de la Marine Nationale polit son «Chef d'oeuvre», une fidélité totale au Pré Catelan et à des valeurs disparues. «Je suis dévoué à la cause».

Le 28 janvier 2013, le «grand prix de l'art de la salle» couronne la carrière unique du plus jeune directeur de restaurant. Conscient des connaissances acquises en matière de savoir-faire, d'accueil et de gastronomie, l'ambassadeur de Paris via le réseau «Relais & Châteaux», réalise un duo singulier avec Frédéric ANTON : «toute une école, une osmose, je suis à son écoute, il me fait confiance, nous avançons pour transmettre l'exemplarité, visons le sommet».

Quitte à faire un métier, autant devenir le meilleur. Le formateur des jeunes, tuteur de chacun des stagiaires, développent en eux non seulement un professionnalisme exemplaire mais également une éthique policée par l'esprit d'entreprise, le courage, la moralité et le civisme. «Je me contente du meilleur des relations humaines, des superbes rencontres, je vais crescendo, je rayonne dans la meilleure période de ma vie, je suis un homme totalement heureux qui exulte en volant avec un escadron de chasse de l'Armée de l'Air en mirage 2000».

Ces visions de l'art du restaurant sans prétention mais avec une profonde attention hissent le personnel au niveau des clients, «des monstres dans leurs domaines, en connaissance de la vie culturelle». La personnalité inéluctable parmi les 111 triples étoilés de la planète, en gravissant tous les échelons, incarne une exemplarité pour les générations futures. «Après l'éclair d'un retour sur image, je clame à mes jeunes tous les jours, que tout est possible, qu'il n'y a aucune limite à quoi que ce soit dans la vie».

Référence au sein de sa profession par sa volonté infinie, son ouverture illimitée, travailleur vertigineux, le futur auditeur de l'Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale se fait violence dans l'ascèse naturelle et instinctive. «Besoin de servir à quelque chose, à quelqu'un : la nation, les pauvres, les jeunes, mes clients. C'est le sens de ma vie. J'accomplirai, un jour, mon chemin de Compostelle, je rayonne. Je suis un père de confiance, et je le souhaite, une référence morale».

Personnalité si cristalline, personnage si paradigmatique, éducateur et façonneur de talents, auteur de la transmission extraordinaire du savoir-faire à la française, Jean-Jacques CHAUVEAU marque, inoubliable, par son charme paternel, son exemplarité éclairée, sa cordialité sans obséquiosité, sa proximité sans distanciation. Sa fine expérience semi-séculaire de la psychologie humaine réalise le désir de l'hôte dans un tempo serein en harmonie substantielle avec son équipe. Le visiteur qui franchit le seuil entre dans une dimension supérieure, presque sacrée.

Il y a ceux qui passent et ceux qui dépassent, ceux qui se reproduisent et ceux qui se produisent. « Je ne pars jamais avec le sentiment d'avoir échoué». La fascination touche à son paroxysme quand, dans ce Bois de Boulogne, jadis hanté par les bandits et les loups, dans ce théâtre de plein air nocturne aux parterres fleuris, le «Directeur du restaurant» «LE PRE CATELAN», nous montre que nous pouvons à la fois sortir de notre milieu et échapper à notre programmation sociale dans un étrange et sans doute étranger double mouvement d'objectivation désubjectivisé.

«Faire naître la confidence, faire surgir l'élément dissonant dans une harmonie de tous les instants. Dans la granulosité d'un moment, j'interviens tout de suite avec compassion». Chaque attablé, traité dans la présence invisible de la prévenance, accueille la gentillesse conviviale, la bonté des stratégies de réception qui relèvent d'une expertise de tous les segments du public. «Les générations se suivent et ne se ressemblent pas. Tout mettre en oeuvre pour le bonheur, de l'aube au crépuscule».

Exiger le sommet de ses équipes déjà rouées au meilleur revient à plonger dans la psychologie des profondeurs humaines, «aller au coeur des gens». Le triomphe consiste dans la transmission obsessive du savoir des schémas complexes au plus haut niveau. «On sait que le client vient chercher un moment de bonheur extraordinaire qui va l'époustoufler». Toute l'organisation se met en route pour connaître les souhaits. «Se faire plaisir avec la simplicité des vins». Ce panache suprême d'«oeil d'aigle» qui prend de l'altitude avec une forme d'énergie inépuisable requiert «une épouse sur mesure».

Cadre à la Maison de la Radio depuis 40 ans, elle force l'admiration par sa «rareté qui évite les dissonances au sein de la cellule familiale».
Respectant toutes les clientèles avec la sagesse de sa grandiose personnalité du service, Jean-Jacques CHAUVEAU travaille «tout le temps». Ses deux fils le suivent, l'un au Bristol, à Paris, l'autre au Connaught de Londres. «Toute la famille embarque dans cette aventure». Au Pré Catelan, aucun débordement n'apparaît sinon «un orgasme de félicité à travers l'entité de la prestation». Dans ce romantisme de grande maison portée par la beauté du Château, la mise en scène parisienne des anniversaires et des demandes en mariage annonce les lieux des grands évènements de l'existence.

La réinvention éternelle de la profondeur d'une hospitalité passe par une réincarnation ininterrompue des figures. Jean-Jacques CHAUVEAU, qui s'efface en humble monumental, façonne et fascine les jeunes apprenants pour les hisser dans les contrées des grands professionnels et des belles personnes. La dimension diffère. «Approcher une table» confine à un art martial de sondeur d'âme afin de révéler une épiphanie. Dans cette apparition, le style d'énoncé des plats réclame la clef du sourire. «Enoncer dans la gaieté en y allant parfois d'une forme d'humour poétique. Le dîner d'une vie, c'est ce que nous cherchons».

Aucun maillon ne faiblit dans la gouvernance de l'instantané. Un art, des techniques, des stylisations. «Tout ce qui arrive, nous le percevons». En citoyenne du monde insérée dans le vécu d'une volonté d'inscription dans le mouvement de l'être, la gastronomie française commence à regarder autour d'elle. «Nous devons nous inspirer du monde car toutes les fortunes du monde viennent chez nous». Les valeurs priment tout : courage, exigence de respect, obéissance. L'école de la vie préexiste à l'école hôtelière. «L'honneur est d'être à l'heure».

Le leader mondial de l'excellence des arts de la table rappelle la reconnaissance de la rigueur. «Rien n'est dû au hasard dans une vie simple sur des axes majeurs. Je suis marin avant tout, je suis fier de porter l'uniforme, c'est essentiel pour moi». Membre de la Royale, le corps prestigieux par seigneurie, avec un embarquement sur le Porte-Avions Charles DE GAULLE et une plongée en S.N.L.E. (privilège absolu au coeur de la dissuasion nucléaire tactique), le patron des Salons confie : «Je ressens, je vis la dévotion de l'intérieur. Le Pré Catelan m'a tout permis de façon spontanée, naturelle».

Avec le Groupe LENOTRE, laboratoire de formation de générations de talents culinaires, le maestro CHAUVEAU place ses poulains partout dans le monde, New-York, Londres, les Emirats, l'Asie. Avec les «Relais & Châteaux», le réseau intégral couvre la planète. En honnête homme fulgurant au plus haut niveau, l'enfant coufféen garde tous les pans de la société en lui, des ordres équestres de Chevalerie ancestraux qui assistent les populations de Terre Sainte aux nécessiteux de la péniche «Le Fleuron Saint-Michel», sans oublier les Malades, à Lourdes, comme Hospitalier pour l'Ordre de Malte.

Un homme d'anthologie qui accorde autant à l'hospitalité qu'à la distinction attachée à l'histoire. Immensité cohérente de la patristique d'une vie.

LE PRÉ CATELAN

Route de Suresnes - 75016 Paris - Tel : 01 44 14 41 00

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